Le Comité international d’organisation du IIIe Congrès Mondial de la Transdisciplinarité, composé de Julieta Haidar, présidente; Marco Tulio Pedroza Amarillas et Oscar Ochoa, représentants du Centre pour la transdisciplinarité et la complexité – TRANSCOMPLEXA au Mexique; Paolo Orefice, représentant de la Chaire transdisciplinaire UNESCO sur le développement humain et la culture de la paix de l’Université de Florence – CTU; Bénédicte Letellier et Florent Pasquier, représentants du Centre International de Recherches et Études Transdisciplinaires – CIRET, en France; Maria F de Mello et Vitória M de Barros, représentants du Centro de Educação Transdisciplinaria – CETRANS au Brésil, présentent cette évaluation transdisciplinaire synthétique en tant que document officiel de clôture du IIIe Congrès Mondial de la Transdisciplinarité qui s’est tenu du 30 octobre 2020 au 15 octobre 2021. RÉALISATIONS ET PROPOSITIONS DU IIIE CONGRÈS MONDIAL DE LA TRANSDISCIPLINARITÉ a. Processus dialogiques fondamentaux pour le 21e siècle, parmi 6 épistémologies critiques d’avant- garde: épistémologies ancestrales, épistémologie de la transdisciplinarité, épistémologie de la complexité, épistémologie décoloniale, épistémologie du Sud, épistémologie matérialiste revisitée, afin de parvenir à une connaissance transdisciplinaire complexe pour faire face aux problèmes du monde, de l’humanité au 21e siècle. b. Décloisonnement des champs cognitifs: Sciences naturelles ↔ Sciences sociales/humaines ↔ Sciences exactes ↔ Sciences technologiques ↔ Sciences artistiques ↔ Philosophie ↔ Religion. c. Analyse des processus transculturels complexes à l’ère du numérique et de la mondialisation, afin de reconnaître et de valoriser tous les processus cognitifs qui rompent avec l’hégémonie et intègrent les savoirs ancestraux et les savoirs traditionnels de la Terre nourricière. d. Dépasser la société globale insoutenable de l’Anthropocène, afin de construire une nouvelle humanité plus mature, une nouvelle civilisation inclusive, équitable et durable pour le sujet transdisciplinaire où il n’y aurait plus de place pour la guerre et la violence politique et ethnique. e. Surmonter les formes d’éducation discriminatoires et d’exclusion, afin de développer et de mettre en œuvre des modèles pédagogiques transdisciplinaires d’éducation de qualité tout au long de la vie, pour l’inclusion des sujets en situation de fragilité et d’oppression dans n’importe quel contexte de vie et de société. f. Reconstruction de la relation Nature ↔ Culture, pour défendre la biodiversité contre le changement climatique et promouvoir la coexistence humaine démocratique. La transdisciplinarité, en tant qu’attitude épistémologique et ontologique pour comprendre l’être humain dans le processus de civilisation, développe et intègre une grande diversité de théories et de méthodologies comme on a pu le constater au cours du IIIe Congrès Mondial de la Transdisciplinarité. Le défi de l’application de la transdisciplinarité réside dans la manière dont le chercheur perçoit le phénomène et construit son objet de recherche. L’approche disciplinaire classique associée au paradigme positiviste postule que le réel est un objet indépendant de l’observateur, une hypothèse déterministe et axiomatique, une rationalité analytique basée sur une logique du tiers exclu et une méthodologie réductionniste et non multidimensionnelle. Dans l’approche transdisciplinaire, le sujet observateur est inclus ; l’hypothèse est transdisciplinaire, complexe ; l’approche est systémique, intégrant les niveaux de réalité dans lesquels le sujet et l’objet sont insérés. Les 6 axes développés, avec leurs sous-axes respectifs étaient : 1. Les fondements de la transdisciplinarité 2. Les épistémologies et les ontologies d’avant-garde 3. Le développement d’une culture de l’innovation 4. Transdisciplinarité: spiritualité et religion 5. Transdisciplinarité et défis contemporains 6. Transdisciplinarité et arts L’AVENIR DE LA TRANSDISCIPLINARITÉ Le IIIe Congrès Mondial de la Transdisciplinarité, magnifique laboratoire, nous a incités à nous interroger sur l’origine et l’avenir de la transdisciplinarité; avenir de la transdisciplinarité, qui exige un esprit de décision et d’ouverture pour accepter tout ce qui peut émerger de nouveau. Les dialogues générés ont permis de reprendre les horizons annoncés pour la TD, qui sont projetés comme des chemins et des ponts vers le IVe Congrès mondial de la TD. Dans ce sens, parmi de nombreuses autres propositions, nous aimerions souligner les suivantes: a. Contributions de la transdisciplinarité à l’éthique, la philosophie, l’état de droit, orientées vers le dialogue avec les cultures ancestrales à partir d’une position éthique et politique qui rend visible les savoirs ancestraux, ceux-ci ont un impact sur la durabilité et l’alphabétisation écologique, en construisant de nouvelles technologies dans les formes d’intervention des productions culturelles. Avec ce qui précède, l’émergence d’une justice cognitive engagée dans l’humanisation du monde TD est proposée, pour aider à surmonter la crise civilisationnelle globale. b. Le processus de formation transdisciplinaire va au-delà de la connaissance intellectuelle, en reconnaissant que la TD se produit dans la vie quotidienne et au-delà. Cette formation s’appuie donc sur l’intelligence relationnelle et émotionnelle, dans un contexte ouvert à la solidarité humaine. c. Création d’un réseau transdisciplinaire mondial réunissant des personnes et des institutions publiques et privées désireuses de promouvoir des liens pour améliorer la réflexion et la pratique de la TD, en échangeant des expériences et des connaissances, y compris sur la situation critique cruciale du monde et les communications intergénérationnelles. Cette organisation donnera la parole à ses représentants sans hégémonie préétablie, qu’elle soit académique, culturelle, nationale, religieuse, de genre, de race ou de couleur. En ce sens, une telle organisation est consciente que son existence est guidée par la TD. L’horizon annoncé lors du IIIe Congrès Mondial de la Transdisciplinarité est prometteur. Ce qui se trouve au cœur de ce grand laboratoire transdisciplinaire est une forte invitation pour nous tous à aller de l’avant. Nous, êtres extraordinairement transdisciplinaires, espérant contribuer à l’émergence d’un monde toujours plus juste, durable, démocratique et pacifique pour tous: les humains et la nature en tant que partie prenante de l’énigme et du mystère de l’harmonie cosmique. Dra. Julieta HAIDAR – Présidente du IIIe Congrès Mondial de la Transdisciplinarité ************** C’est au plus fort de la première crise sanitaire mondiale que le IIIe Congrès Mondial de la Transdisciplinarité, organisé par l’ENAH, le CETRANS, l’UNESCO et le CIRET, s’est déroulé en visioconférences de septembre 2020 à septembre 2021. Le CIRET a organisé cinq semaines thématiques consacrées à l’éducation, aux arts, aux moyens d’action et d’application de la transdisciplinarité et à ses enjeux dans le monde actuel. Une trentaine de membres du CIRET ont participé aux symposiums et tables rondes pour interroger la place de la transdisciplinarité dans les diverses sphères de la vie sociale. De toute cette étonnante et riche expérience intellectuelle, il ressort que les acteurs de la transdisciplinarité ont un rôle important à jouer face aux diverses crises que traverse le monde. Les thèmes traités par le CIRET ont notamment souligné la nécessité et l’urgence d’articuler la théorie et la pratique par la créativité autant que de croiser les disciplines à travers des problématiques communes. Une question large a pu servir de fil conducteur: comment ouvrir la pensée, réactualiser les savoirs, recréer des pratiques de transmission de ces savoirs et approfondir la connaissance face à la complexité croissante? L’enjeu primordial, comme l’a expliqué Basarab Nicolescu dans son essai sur la cosmodernité, est bien de pouvoir comprendre la totalité des niveaux de réalité, grâce à une «transperception» propre à la création artistique. Conscient de la fracture interne aux sciences contemporaines entre la culture scientifique et la culture humaniste, Basarab Nicolescu proposait de recourir à une méthodologie transdisciplinaire pour les réconcilier au sein même d’une «culture cosmoderne, unifiée et ouverte» (Nicolescu, 2014: 317). Cette réconciliation lui semble d’autant plus nécessaire qu’elle expliqueen partie toute forme de face-à- face binaire irrésolue jusqu’à ce jour, comme les trop nombreuses confrontations Nord-Sud, Est-Ouest, Orient-Occident. L’une des formes les plus stéréotypées renvoie, par exemple, à la séparation de la sagesse de l’Orient et de la science de l’Occident. Dans ces constats d’écart, de différence, d’opposition ou de séparation, Basarab Nicolescu y voit la dimension du sacré, celle du tiers caché1. Sans doute faut-il rappeler ici à quel point la fragmentation du regard occidental sur le monde a pu occulter cette dimension et en négliger ses propriétés scientifiques, artistiques et spirituelles. «Il existe, affirme Basarab Nicolescu, une unité ouverte de questionnement dans la multiplicité des réponses, du fait même que le sacré est la question » (Nicolescu, 2014 : 438 ). C’est avec humilité et intérêt que les auteurs et contributeurs de ce volume ont donc tenté, dans la continuité des réflexions du Congrès, d’apporter des réponses aux divers questionnements sur une réconciliation possible. Partant du constat que l’humanité est repliée sur elle-même, devenue inapte à se relier au monde extérieur et étranger autant qu’intime et intérieur, Hubert Landier insiste sur l’enfermement des êtres humains, hérité d’une logique binaire et d’une valorisation excessivement économique de la vie. Face à cette impasse, il réaffirme la nécessité d’une logique du tiers inclus et d’une exploration à tâtons des « territoires inconnus » à la manière des poètes, mystiques et artistes. Dans la continuité de ce premier chapitre, Paulo Nuno Martins compare les paradigmes de la complexité (Morin) et de la transdisciplinarité (Nicolescu) avec le paradigme cartésien pour montrer dans quelle mesure ils répondent mieux à des objectifs concrets tels que ceux de l’ONU pour 2030 et, de manière plus générale, dans quelle mesure ils permettent d’appréhender plus efficacement les conséquences incertaines des phénomènes de mondialisation. La réflexion s’approfondit, dans le troisième chapitre, rédigé par Mariana Thieriot Loisel et Marc-Williams Debono. Les auteurs nous invitent à observer plus attentivement le lien fondamental entre nos émotions et notre énergie. À la croisée de l’art, de la psychologie, de la communication et des neurosciences, ils interrogent donc notre « capacité plastique à faire du sens à partir du dialogue sur et avec nos émotions et la mobilisation de notre énergie humaine». L’enjeu tout à la fois individuel et social est de taille: la résolution des conflits de tous bords, conflits internes qui se reflètent dans le monde des idées, des choses et des humains. Il est à noter que la co-écriture de cette étude inaugure véritablement une approche transdisciplinaire et montre avec force la possibilité de penser autrement la complexité. Enfin, les deux derniers chapitres sont à lire comme des perspectives réjouissantes pour l’humanité laquelle, par le souci d’une évolution plus harmonieuse, peut participer à « la construction d’un paradigme transdisciplinaire de la formation », pour reprendre les mots de Gaston Pineau, et plus généralement à « la transformation de la mentalité humaine » selon Javier Collado. Il est impensable de pratiquer une recherche transdisciplinaire sans envisager, comme le font ces deux auteurs, une transmission de ce nouveau champ d’études et une mise en pratique à différents niveaux de réalité. Le chantier est loin d’être terminé. La transdisciplinarité gagne à être de plus en plus connue et pratiquée afin de pouvoir élaborer une méthodologie solide et trouver un consensus scientifique international qui puisse être à la base de toute forme de recherche. Ce volume publié aux éditions PlasticitéS et constituant un numéro spécial de Rencontres Transdisciplinaires en est l’illustration, car il est issu d’une collaboration étroite entre le CIRET et PSA (Plasticités Sciences Arts), deux structures françaises dont les échanges, travaux et publications transdisciplinaires communes se sont tissées au fil des années. Il s’inscrit dans notre perspective de développement d’une pratique transdisciplinaire de terrain qui ne demande qu’à s’épanouir et engendrer la cosmodernité! Bénédicte LETELLIER, Marc-Williams DEBONO, Florent PASQUIER, Mariana THIERIOT LOISEL