Le projet ExpReSyF propose une réflexion sur les expériences et les représentations des cancers et de la fin de vie. À partir de son ancrage en sciences du langage, il vise à observer et analyser les modalités de réception des publics de l’exposition « Cancers » à la Cité des sciences et de l’industrie à Paris. Dès le titre de l’exposition, les cancers sont mis au pluriel. Un des enjeux consiste à sensibiliser les publics sur la multiplicité des formes biologiques de ce phénomène qui affecte le vivant et sur la complexité des expériences vécues de la maladie, dans leurs dimensions scientifiques, psychologiques et sociales. Nous nous intéressons aux savoirs et aux idées reçues, aux croyances et aux tabous que l’exposition interroge, en prêtant attention à la diversité des perspectives prises en compte : les discours et les objets qu’elle met en scène, les formes d’adresse qu’elle instaure, les appropriations qu’elle suscite. Il s’agit de saisir la dimension rhétorique des énoncés produits, les formes de médiations choisies et créées pour faire passer un discours particulièrement sensible. Aussi ce projet engage-t-il un dialogue interprofessionnel entre les professionnels de la Cité de sciences et de l’industrie et notre équipe de travail au sein du laboratoire ICAR, sur deux versants des pratiques muséales. D’une part, sur le versant de la muséographie, on s’intéresse au faire professionnel qui consiste à produire et à mettre en exposition les cancers. D’autre part, sur le versant de l’étude de l’expérience de visite, nous faisons le pont entre les études quali-quantitatives pilotées par l’Observatoire des publics de la Cité des sciences et de l’industrie et l’enquête menée par notre équipe à partir d’entretiens in situ et à distance. Ces deux versants impliquent une réflexion sur la médiation des données scientifiques : pour la muséographie, le commissariat d’exposition collabore avec un commissariat scientifique et culturel afin de donner à voir, à lire et à interpréter des informations et des données documentées, situées historiquement et réfutables ; pour l’étude de l’expérience des publics, il s’agit de produire des données à partir desquelles faire émerger des observables à différents niveau de granularité sur les effets de la visite auprès d’une diversité de profils, les modes d’appropriation des discours et des connaissances médiatisées. En vue de préserver le lien les deux versants de ce dialogue interprofessionnel, nous avons conçu un mode d’écriture de notre recherche sous la forme d’un parcours en 360° de l’exposition qui ne cherche pas seulement à en restituer une version numérisée. Composé de trois couches spécifique, cet environnement en 360° permet d’abord de se déplacer d’ilot en ilot et d’accéder aux différents médias qui la composent soit en déambulant dans l’exposition elle-même, soit sur le plan de l’exposition, en cliquant directement dans l’espace à découvrir. Ensuite, une deuxième couche vient compléter les voix et les points de vue présentés aux publics. Au centre de l’exposition, nous présentons des extraits choisis d’entretiens que nous avons sollicités auprès des publics, sur leur expérience de visite et sur leur propre expérience des cancers, en tant que patient ou proche, professionnel de santé ou aidant. Regroupés en différentes thématiques, ces entretiens donnent à voir et à entendre les perspectives et les sensibilités de visiteurs vis-à-vis des cancers, sur la médiation assurée par l’exposition et sur leur rapport personnel à cette maladie. Enfin, une troisième couche est intégrée à ce parcours, celle de l’analyse linguistique et sémiotique des entretiens menés par les membres du projet ExpReSyF. Sous la forme de capsules audiovisuelles, ces analyses mettent en lumière les formes d’appropriation de l’exposition par les publics et les manières dont les visiteurs s’expriment sur leur expérience propre ou sur l’expérience d’un tiers. En se situant dans le troisième axe de l’appel, notre intervention abordera la question de l’expérience à partir de la conception du parcours en 360° de l’exposition Cancers, où penser les articulations entre les pratiques muséographiques mises en œuvres par les professionnels de la Cité des sciences et de l’industrie les nouvelles formes de documentation et d’écriture de la recherche investies par notre équipe. Dans une perspective réflexive, il s’agira notamment de discuter du potentiel de la digitalisation d’une exposition en 360° pour conserver un ancrage sémiotique au terrain de l’enquête, en spatialisant les discours des visiteurs au sein de l’exposition elle-même.