En mars 2020, la propagation du COVID19 a conduit l'État français à fermer les écoles établissements scolaires, faisant place à une « éducation à distance d’urgence » (Bozkurt et al., 2020). Avec le vademecum de continuité pédagogique, le Ministère de l’éducation nationale a désigné les techniques numériques (ENT et messageries électroniques entre autres) comme des outils à utiliser par les enseignants pour maintenir le lien avec les élèves. Nombre d’enseignants ont recouru à ces techniques prescrites, et à d’autres choisies. Les recherches menées pendant cette période montrent les efforts d’autoformation réalisés par les enseignants (Boudokhane-Lima et al., 2021), et ce malgré un manque de formation et sans expérience préalable d’enseignement à distance (Wagnon, 2020). L’expérience d’enseignement pendant le confinement est désignée par certains auteurs comme un enseignement à distance d’urgence ou ERT (emergency remote teaching) (Hodges et al., 2021). Afin de comprendre comment les enseignants se sont formés et ont fait leur travail, nous nous intéresserons à leurs pratiques technopédagogiques pendant cette période et à ce qu’ils déclarent avoir réalisé pour s’adapter à cette distance subie. Nous nous demanderons comment l’expérience du confinement aurait pu conduire les enseignants à apprendre par l’expérience (Kolb, 1984) ou à s’autoformer aux techniques numériques (Nagels et Carré, 2005), dans la perspective d’un développement de leur pouvoir d’agir (Rabardel, 2005) avec ces techniques. Du point de vue des sciences de l’information et de la communication, nous nous intéressons aux usages et non-usages des techniques numériques par les enseignants, à l’éventuelle pérennité des activités médiatisées réalisées pendant le confinement (mise en ligne de contenu, classe virtuelle, entretien téléphonique) et aux représentations qu’ont les enseignants de cette période sur leur activité professionnelle. Ce travail s’appuie sur l’analyse catégorielle thématique (Hsieh & Shanon, 2005) d'entretiens semi-directifs individuels menés avec des enseignants et des directeurs en 2021 (n=72) et 2022 (n=46). L’analyse des propos des acteurs met en évidence l’hétérogénéité des expériences vécues et des usages des techniques numériques par les enseignants. Cette analyse pointe les limites de l’apprentissage par l’expérience mais souligne le travail d’objectivation et de réflexivité des enseignants vis-à-vis des activités développées pendant le confinement.