« Un comité citoyen de l’alimentation comme espace d’empowerment et de participation politique - Archive ouverte HAL Accéder directement au contenu
Communication Dans Un Congrès Année : 2023

« Un comité citoyen de l’alimentation comme espace d’empowerment et de participation politique

Résumé

Nos systèmes alimentaires sont traversés par de multiples inégalités sociales, principalement la précarité du travail de certains acteurs de la chaîne et la précarité alimentaire d’une part croissante de consommateurs. Cette précarité alimentaire, qui concerne aujourd'hui une diversité de personnes, se caractérise par des difficultés, majoritairement économiques, d’accès à la nourriture, en quantité et en qualité. La réponse apportée est la distribution de denrées via le système d’aide alimentaire, un dispositif pensé pour les situations d’urgence qui tend à devenir structurel, et qui pourtant est à l’origine de diverses violences pour celles et ceux qui y ont recours (Bonzi, 2023). La précarité alimentaire prend place dans des situations de précarité plus globales (logement, énergie, emploi…) souvent synonymes d’exclusion et de disqualification sociales (Paugam 1991) s'accompagnant d’une exclusion politique (Braconnier et Mayer, 2015), qui limite la participation citoyenne des plus précaires. Les inégalités d’accès à l’alimentation semblent se renforcer lorsque l’on considère l’impératif écologique de transition des systèmes alimentaires vers une plus grande durabilité (sur le plan de la nutrition et de la santé, de la protection de la nature mais aussi sur le plan social, culturel, économique et politique). En effet, ces inégalités s’incarnent notamment dans des difficultés d’accès aux produits frais (fruits, légumes), peu transformés et de qualité (produits biologiques par exemple), qui fondent pourtant des régimes alimentaires plus durables. Les freins à une réelle transition alimentaire sont multiples (ils concernent les différentes étapes du système) et suscitent de nombreuses divergences. Cela interroge, pour nous, la dimension démocratique des choix qui orientent nos systèmes alimentaires. En 1996, le chercheur Tim Lang a défini la démocratie alimentaire comme “la grande lutte, dans toutes les cultures, pour permettre à tous les citoyens d’avoir accès à une alimentation décente, abordable et bénéfique pour la santé, cultivée dans des conditions dans lesquelles ils peuvent avoir confiance”. L’idée de démocratie alimentaire invite les citoyen.es à s’approprier les enjeux, à s’engager et à formuler des choix collectifs sur nos manières de produire, transformer, distribuer et consommer la nourriture. Nous faisons ici l’hypothèse que la démocratie alimentaire, nourrie par l’exercice d’une citoyenneté alimentaire, est la condition d’une transition “juste” (Laurent, 2020); une transition susceptible de concerner l’ensemble de la population, d’infléchir les inégalités alimentaires et d’agir sur la transformation de nos systèmes alimentaires pour faire advenir une « sécurité alimentaire durable ». Celle-ci existe “lorsque tous les individus ont un accès (économique, physique et social) égalitaire à une alimentation durable de manière coordonnée et pérenne (...). Il est indispensable que le dispositif [de sécurité alimentaire durable] regroupe un ensemble de mesures agissant sur l’accessibilité économique, l’accessibilité physique, l’empowerment individuel et le lien social, tout en incluant une réponse aux situations d’urgence ainsi qu’une démarche « d’aller-vers » pour limiter le non-recours” (Caillavet et al., 2021). Notre travail de recherche s’appuie sur le lancement en 2022 à Montpellier d’une expérimentation : la caisse alimentaire commune, qui compte aujourd’hui 350 participant.es vivant dans des conditions socio-économiques diverses. La caisse alimentaire commune est un budget auquel les participant.es cotisent chaque mois, en fonction de leurs revenus, et dont ils.elles reçoivent l’équivalent de 100€ en « monnaie alimentaire » pour faire leurs achats alimentaires dans un circuit de points de vente conventionnés, à savoir choisis démocratiquement selon des critères de qualités élaborés collectivement par un comité citoyen de l’alimentation. Cette expérimentation émane de la société civile organisée. Elle a été initiée et est animée par un collectif de coopérations rassemblant plus de 20 organisations (Territoires à VivreS – Montpellier), au sein duquel sont intégrées les collectivités locales. Dans le cadre de cette expérimentation, la caisse est pilotée par le comité citoyen de l’alimentation, une instance composée de 47 habitant.es âgés de 30 à 75 ans, réuni.es sur la base du volontariat, dont une majorité de femmes et dont la moitié des membres sont concernés par la précarité. Le comité se réunit régulièrement pour apprendre, débattre et définir le mode de fonctionnement et de gestion de la caisse. Le travail de recherche-action mené à partir de cette expérimentation interroge les formes et modalités d’une démocratie alimentaire, articulée à une perspective de sécurité alimentaire durable. Ce travail se décline autour de deux objectifs : 1) accompagner la co-conception d’un dispositif démocratique d’accès à l’alimentation et 2) observer et analyser les effets potentiels d’un tel dispositif sur différents enjeux de transformation : sécurité alimentaire et accessibilité de l’alimentation durable, citoyenneté alimentaire, écologisation des pratiques alimentaires, transformation des politiques publiques, etc. L’objet qui nous intéresse en particulier est celui de la «montée en politique » de la question alimentaire en tant que sujet démocratique via l’exercice d’une citoyenneté alimentaire active et inclusive. Dans cette perspective, le comité citoyen de l’alimentation est pensé comme un espace d’éducation populaire et comme instance de gouvernance démocratique, au sein de laquelle la participation de personnes concernées par la précarité est effective. Nous nous intéressons, pour cette contribution, particulièrement à ces parcours. Au travers de notre contribution, nous souhaitons interroger :1) les conditions de la participation des habitant.es au comité, au regard d’une approche critique de la participation citoyenne (Carrel, 2013) ; 2) les « parcours d’engagement » des participant.es en observant notamment leurs “raisons d’agir” ; 3) la capacité du comité citoyen de l’alimentation à constituer un espace d’empowerment, au sens du renforcement du pouvoir d’agir, permettant de nourrir une appropriation des enjeux alimentaires par les participant.es, mais aussi une “dynamique individuelle d'estime de soi et de développement de ses compétences articulé avec un engagement collectif et une action sociale transformative” (Bacqué & Biewener, 2013) ; 4) l’émergence du comité citoyen comme espace de participation politique générant un renforcement des formes d’engagement et de citoyenneté alimentaire, articulés à la définition des politiques publiques, et constituant ainsi un espace de démocratie alimentaire, porteur de transformations sociales et publiques.

Domaines

Sociologie
Fichier non déposé

Dates et versions

hal-04583139 , version 1 (22-05-2024)

Identifiants

  • HAL Id : hal-04583139 , version 1

Citer

Pauline Scherer, Marie Walser, Grégori Akermann. « Un comité citoyen de l’alimentation comme espace d’empowerment et de participation politique. Trajectoires et territoires de la pauvreté, Université Paul Valéry, Nov 2023, Montpellier, France. ⟨hal-04583139⟩
0 Consultations
0 Téléchargements

Partager

Gmail Mastodon Facebook X LinkedIn More