Il peut paraître étonnant de voir la farce, genre déprécié par intellectuels du XVIIe siècle, faire partie des divertissements prisés par la bonne société de cette époque. Pourtant, conformément à la mode du temps, pas une représentation, même donnée en privé, ne pouvait s’achever sans cette petite saynète burlesque. Il est encore plus intéressant de noter que, dans certaines circonstances, on voit les membres de la bonne bourgeoisie, voire de l’aristocratie, monter eux-mêmes sur scène dans le cadre de représentations privées pour jouer les personnages burlesques et les situations grivoises requises par le genre. Sans égard pour la différence de condition, ces respectables amateurs prennent pour modèle affiché les comédiens professionnels spécialisés dans le genre comique. Dans cette communication, nous nous pencherons sur quelques témoignages de cette farce représentée en société conservés par les évocations des mémorialistes, en examinant particulièrement le rôle social de ces prestations. Nous verrons l’importance de ces performances comme facteur de cohésion au sein d’un groupe social déterminé : bourgeoisie parlementaire, notabilité d’une ville de province… Ces représentations, données à un public constitué de membres du même cercle social, rapproche les participants dans une activité les amenant à se surpasser, au sein d’un modèle d’interaction non régulé par les lois de l’étiquette habituelle. Par ailleurs, la mise en scène de ces saynètes permet aussi de d’exposer publiquement les dysfonctionnements perçus au sein de la communauté : sous couvert de représentation théâtrale, c’est l’occasion de brocarder ouvertement les déportements tenu secrets (relations adultères, mariages inégaux…) qui agitent ces groupes sociaux. Réunissant les membres d’une unité sociale particulière et en châtiant symboliquement ses éléments perturbateurs, la farce « de société » rejoint les origines carnavalesques de ce genre théâtral, et en transpose les valeurs dans le système de sociabilité élitaire émergent de l’époque classique.