En 1998, Dimitri Laboury avance qu’au même titre que la perspective chez Panofsky, l’aspective peut être appréhendée comme une forme symbolique – se référant à l'ouvrage bien connu d’Erwin Panofsky. On peut en effet comprendre que la forme symbolique panofskyienne, comme principe d’adéquation entre l’idée et le signe, trouve son expression la plus éloquente dans l’art égyptien. Pourtant, lorsqu’elle s’emploie à définir l’aspective comme principe de lecture de l’art pharaonique, à partir de 1963, Emma Brunner-Traut cite plus volontiers le philosophe Ernst Cassirer, à qui l’on doit la notion de forme symbolique. Dans la suite de Hegel et de son examen de l’art de l’Égypte antique sous l’angle d’une histoire de l’esprit, Cassirer désigne par la « forme symbolique » une attitude de création et d’investissement de contenus spirituels dans le monde sensible, proche au fond de l’aspective qui renvoie au système de perception hiéroglyphique de la civilisation égyptienne. En examinant les rapports fondés du modèle de la forme symbolique et de la théorie aspective, ma communication visera à montrer qu’Emma Brunner-Traut resémantise les résultats d’une conception téléologique de l’histoire de l’art qui, jusqu’à la veille de la Seconde Guerre mondiale, est d’abord une histoire de l’esprit – tout en libérant l’art égyptien de cette conception. En effet, en remplaçant les termes de « geradvorstellig » et de « pré-Grec », que Schäfer apposait à l’art égyptien en 1919, par celui « d’aspective », Brunner-Traut ouvre une voie nouvelle à l’interprétation des œuvres de la période pharaonique : désormais, il s’agit d’analyser celles-ci comme les témoignages d’une « attitude perceptive » propre aux anciens Égyptiens et de les décrire à l’aide d’outils culturels et visuels spécifiques à l’histoire de l’art, imprégnés de philosophie mais libérés du finalisme qui dominait la pensée esthétique allemande depuis Winckelmann – et revendiquait la nécessité d’une hiérarchisation entre l’Égypte et la Grèce.