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Chapitre D'ouvrage Année : 2023

Ne pas intervenir, laisser évoluer librement la nature ?

Résumé

Ce chapitre met en tension deux manières d’interroger les principes de non-intervention et de libre évolution de la nature qui connaissent un net regain d’intérêt scientifique, militant et médiatique depuis une vingtaine d’années en France et plus largement, en Europe. La première relève d’une relecture généalogique de l’idée du laisser faire la nature. La seconde approche est fondée sur une analyse exploratoire des pratiques et des représentations sociales actuelles des gestionnaires de la nature que le desserrement de l’intervention suscite. Les trois premiers points du texte relèvent d’une analyse généalogique du laisser faire, au sens de Foucault (1971), telle que mobilisée par l’historienne de l’environnement Dolly Jorgensen (2015) dans le cadre de son analyse de la notion de rewilding. Ainsi, plus qu’une illusoire quête des origines, il s’agit de mettre en évidence les systèmes de pensée associés au « laisser faire la nature », en considérant ces systèmes comme le fruit de contingences historiques plutôt que comme la résultante d’un processus téléologique. Cependant, cela ne nous empêchera pas de souligner comment, au fil du temps, les différentes conceptions du laisser faire ont circulé entre sciences et sociétés, via des filiations et des ajustements divers. Laisser faire la nature serait une démarche innovante et en rupture vis à vis des modes de gestion conservatoire dominants. Ces derniers, en Europe notamment, relèvent d’une approche compositionnaliste (Lorimer, 2015). Celle-ci mobilise des états de références historiques afin d’établir des stratégies de restauration écologique qui s’articulent elles-mêmes à une patrimonialisation des paysages agro-sylvo-pastoraux. Dans le contexte français, les actions mises en œuvre dans le cadre du réseau Natura 2000 sont très représentatives de cette gestion conservatoire patrimoniale. Désormais, le laisser faire est revisité en tant que modalité de conservation et principe éthique. La tension entre ces deux approches de la conservation de la nature, l’une compostionnaliste et l’autre fonctionnaliste polarise les débats de spécialistes, à l’interface entre science et gestion (Barraud et al., 2019). Cependant, dans ce contexte français, peut-on évaluer le niveau de percolation de l’idée du laisser faire ? La non-intervention et la libre évolution constituent-elles toujours des options marginales ? Suscitent-elles toujours le même niveau de méfiance voire de rejet que celui dénoncé par Jean-Claude Génot dès la fin des années 1990 ? Le quatrième et dernier point de ce texte vise précisément à engager une discussion autour de ces questions, sans prétendre apporter de réponses définitives. Cette discussion mobilise les principaux résultats d’une enquête exploratoire fondée sur la réalisation de vingt-cinq entretiens semi-directifs menés, fin 2019, auprès d’animateurs et animatrices de sites Natura 2000 en région Nouvelle-Aquitaine.
Fichier non déposé

Dates et versions

hal-04547325 , version 1 (15-04-2024)

Identifiants

  • HAL Id : hal-04547325 , version 1

Citer

Régis Barraud. Ne pas intervenir, laisser évoluer librement la nature ? : Approche généalogique et enjeux contemporains. Rémi Luglia; Rémi Beau; Annabelle Treillard. De la réserve intégrale à la nature ordinaire : Les figures changeantes de la protection de la nature. XIXe – XXIe siècle, PUR, 2023, Espace et territoires, 978-2-7535-9198-1. ⟨hal-04547325⟩
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