Art et vivre ensemble. Discours, représentations et médiations des ONG
Résumé
Le vivre ensemble est un défi du passé, du présent et de l’avenir. Pour autant, la notion n’en reste pas moins nébuleuse. Elle en devient presque un oxymore (Saillant, 2015) tant elle recèle d’enjeux politiques, sociologiques, culturels et communicationnels divers et complexes. D’un côté, la notion pourrait, comme elle se donne à voir dans les discours de l’UNESCO, signifier vivre ensemble de manière pacifique, estimer et respecter l’autre. D’un autre, vivre ensemble pourrait impliquer une « coexistence pacifique entre les ennemis d’hier » (Dacheux et Meyer-Bish, 1999) ou avec les « nouveaux ennemis » du monde occidental (Saillant, 2015). La présence de l’autre est par ailleurs amplifiée avec la mondialisation de la communication. Plus proche, de plus en plus visible, l’autre est omniprésent : « une réalité sociologique avec laquelle il faut cohabiter » (Wolton, 2003). Toutefois, cette mise en visibilité constante de l’autre n’engendre pas forcément une volonté d’aller à sa rencontre, car dans les espaces publics médiatiques et politiques « l’immigration est toujours présentée comme un problème ou une menace » (Réa et Tripier, 2008). Vivre avec l’altérité, penser la « cohabitation culturelle » (Nowicki, 2010) est l’une des ambitions majeures des ONG de défense des droits des personnes en situation de migration. Comment pensent-elles le vivre ensemble ? L’art permet-il aux acteurs associatifs de transmettre leurs valeurs et représentations du vivre ensemble auprès du jeune public ? Au travers de quels dispositifs de médiation leurs discours se construisent-ils ? Les matériaux artistiques que nous proposons d’analyser furent repérés lors d’une enquête ethnographique menée de 2017 à 2021 au sein de l’ONG la Cimade, et plus précisément au sein de son groupe local à Aix-en-Provence. Notre communication entend particulièrement centrer l’attention sur la réception d’images publicitaires détournées, par le jeune public d’un lycée international. Les interactions communicationnelles ainsi que les débats engagés autour de l’exposition « Attention travail d’arabe », celle-ci réalisée par l’artiste humoriste Ali Guessoum, fondateur de l’association Remembeur (partenaire de la Cimade), montrent que « l’artiste est une figure de la pluralité en même temps que celle du possible médiateur vers et entre les altérités. Il a le pouvoir d’agir au cœur de la pluralité et participe de la pluralisation du monde » (Saillant, 2018 : XIV). Nous verrons ainsi qu’au travers de son art, favorisé par la médiation d’acteurs associatifs, l’artiste révèle aux jeunes « l’expérience dont témoignent les ruines ignorées par l’Histoire » (Jewsiewicki, 2018 : 167).