Dans le paysage français des formations universitaires, les formations à et par la recherche au niveau bac +5 et plus jouissaient d’un grand prestige. Le désamour pour ces formations ne cesse cependant de se confirmer, notamment pour les étudiants français. Les causes de cette évolution sont connues et documentées : la professionnalisation des enseignements universitaires, les exigences de ce type de formation, la faible valorisation du grade de docteur dans la société, la moindre attractivité en France des métiers de la recherche. Malgré le dynamisme de l’enseignement supérieur des sciences de gestion depuis le début des années 1980, la baisse des soutenances de thèses de doctorat à l’université depuis le début des années 2010 se confirme. Pourtant certaines universités (dont Aix-Marseille) incitent actuellement à renforcer la formation à la recherche dans les programmes de master. L’ANRT se mobilise en 2023 en faveur d’un plan national pour le doctorat. Par ailleurs, le doctorat reste le seul diplôme reconnu internationalement qui permet d’exercer certaines fonctions, ou d’accéder à certains emplois dans certaines entreprises ou institutions. À l’heure où la professionnalisation et l’approche par compétences gagnent du terrain, y compris au niveau du doctorat – où l’exercice pourrait de plus en plus se résumer à « cocher les cases de la fiche RNCP » –, que veut dire former à et par la recherche ? Le format du « master recherche » est-il définitivement condamné ? Quels enseignements et pistes d’action peut-on dégager de l’analyse de l’évolution de ce type de formation ces trente dernières années ? Pour répondre à ces questions, j’ai choisi de revisiter l’histoire d’une formation à et par la recherche de niveau bac +5 dont j’ai porté le projet de création en 1994 et que j’ai dirigée depuis 1995 en la transformant régulièrement. L’étude de cette trajectoire singulière atteste des nombreuses transitions qui se sont opérées dans l’enseignement universitaire. Elle permet de retracer les multiples évolutions imbriquées qui ont jalonné l’histoire de cette formation. Si sa forte identité ainsi que la spécificité du contexte local dans lequel elle s’inscrit interdisent toute généralisation, ces évolutions révèlent des enjeux, forces, mécanismes et bifurcations qui dépassent ce cas particulier. Au-delà de l’étude rétrospective d’une histoire digne selon moi d’être racontée, l’ambition est de contribuer à la réflexion et de proposer des pistes de réflexion et d’action pour l’avenir.