En 1964, Violette Leduc déclare dans La Bâtarde, premier volet de son autobiographie : « Mon cas n’est pas unique . » Simone de Beauvoir lui répond « Non : mais singulier et significatif. » En effet, Leduc universalise son point de vue minoritaire de femme pauvre ayant eu des amours bisexuelles et raconte le vécu des gens ordinaires. L’autrice applique la théorie philosophique beauvoirienne de l’ego transcendantal : elle est sujet parmi d’autres et, en parlant d’elle, elle parle des autres et les autres se sentent impliqués quand elle parle d’elle. Pour autant, Violette Leduc ne se revendique pas féministe. En 2023, dans Un monde plus sale que moi, Capucine Delattre reprend à la fois la poétique leducienne et le concept d’ego transcendantale beauvoirien. Avec son personnage d’Elsa, elle narre un vécu fictionnalisé à la première personne du singulier qui est « l’histoire de toutes ces filles qui croyaient devenir femmes alors qu’elles devenaient proies ». En cela, son livre représente un récit autothéorique pertinent, puisque Delattre raconte les violences sexistes et sexuelles vécues par celles qui devenaient majeures au moment de #MeToo. Elle délivre un témoignage féministe, définit par Azélie Fayolle comme : « un récit en prose fait par une femme de sa condition féminine pour tirer des spécificités de sa condition des leçons pour une politisation de cette condition et en viser l’amélioration ou l’abolition . » Dans ma communication, j’examinerai comment, en partant des concepts leducien et beauvoirien, Capucine Delattre ajoute une dimension politique à son œuvre littéraire, en faisait une œuvre autothéorique.