Le rêve concentrationnaire
Résumé
Les témoignages abondent sur les conditions de (sur)vie précaires et les multiples maltraitances vécues par les déportés dans les camps de concentration nazis. La faim et le froid sont les leitmotivs de la souffrance les plus présents. Toutefois, qu’en est-il du sommeil et de l’état de veille, et à l’intérieur de ceux-ci, des rêves qui peuvent s’y développer ? Rescapé de Mauthausen, Jean Cayrol distingue deux types de songes : les « rêves d’avenir » sont des « souvenirs préconcentrationnaires », qui conduisent à la mort, car ils suscitent le désir de l’extérieur et donc précipitent la fin du déporté. A contrario, les « rêves de salut » sont des « rêves abstraits et pauvres en action », lesquels, en ancrant le déporté dans la réalité du camp, contribuent paradoxalement à sa survie. Cet article se propose de présenter et d’analyser plusieurs songes concentrationnaires individuels et collectifs dans un corpus choisi. Il s’agit d’observer en quoi ces expériences oniriques sensorielles expriment les traumatismes et la violence du système concentrationnaire nazi. Le rêve permet-il de s’évader du camp ou bien aliène-t-il davantage encore le Häftling, et ce même après sa libération ?