Décrire/écrire une image : le préalable sémantique des systèmes d’intelligence artificielle générative
Résumé
Les systèmes génératifs d’IA text-to-image, comme DALL.E, Midjourney ou Stable Diffusion opèrent selon la logique CLIP (Contrastive-Language-Image-Pretraining), c’est-à-dire un réseau neuronal qui apprend les concepts visuels à partir d’une supervision en langage naturel à partir de vastes bases de données d’images étiquetées, catégorisées, indexées, et qui utilise une analyse statistique pour prédire des résultats. La production de ces images probabilistes repose sur des requêtes textuelles (des prompts) qui agissent en interaction avec les algorithmes de deep learning comme des « énonciations performatives » (Feyersinger et al.) : il ne s’agit donc plus de fabriquer une image, mais d’écrire une image qui elle-même ne peut exister que parce qu’une multitude d’images a été préalablement décrite pour alimenter le système. Il s’agira dans cette communication, à partir de ma propre pratique de l’IA générative, d’explorer comment ces modèles reconfigurent de manière radicale la relation texte-image. Parce que les mots sont tout à la fois des légendes et des commandes, un préalable et un embrayeur de l’image, toutes les fonctions du langage dans leur rapport aux images, telles qu’analysées notamment par Roland Barthes se trouvent remises en cause (ancrage, relai). Il semble en effet qu’ils opèrent, dans une logique de boucle, selon une nouvelle fonction, que l’on peut qualifier de « générative », ou mieux de « formative » pour reprendre la théorie de la formativité de Luigi Payreson qui considère dans l’œuvre, la « forme formante » et la « forme formée », à savoir : d’une part ce qui préside à sa formation et d’autre part le résultat matériel de l’activité formatrice. Par ailleurs, on s’aperçoit que les prompts rendent instables les notions de connotation et de dénotation, de signifiant et de signifié, comme les images qu’ils actualisent rendent incertaines les catégories traditionnelles de la sémiotique (indice, icône, symbole). Ces images peuvent-elles être seulement appréhendées comme des signes ? Et si oui, de quoi sont-elles alors les signes ?