Exilé de l’intérieur après le coup d’État du 1er décembre 1851, parce qu’il a refusé de prêter serment au nouveau pouvoir, Michelet écrit de 1856 à 1868 une série d’œuvres naturalistes (L’Oiseau, L’Insecte, La Mer, La Montagne). Il sent l’urgence d’éduquer le peuple, absent au rendez-vous de l’histoire le 1er décembre, et de lui proposer une nouvelle mythologie républicaine aussi universaliste qu’avait pu l’être le christianisme. Il s’agit d’accomplir une révolution culturelle d’une portée qui dépasse bien la France – les révolutions politiques ayant échoué en Europe – et de créer de nouvelles figures d’autorité : Réaumur, Swammerdam, Lamarck, Lavoisier sont les héros proposés à l’admiration du peuple. La science est ainsi enrôlée dans un combat idéologique. L’évolutionnisme lamarckien, développé dans ses livres inspirés par les sciences de la nature, aide Michelet à penser différemment les changements historiques, les causes réelles qui y agissent, les véritables figures de pouvoir. On s’interrogera sur la représentation de celles-ci dans les derniers livres de l’Histoire de France sur Louis XV et Louis XVI (1866-1868) et dans l’Histoire du XIXe siècle (1872-1874). Les figures du pouvoir politique semblent en effet concurrencées par d’autres figures (Rousseau par exemple), dont l’influence diffuse mais délétère prépare des bouleversements de fond plus graves que les convulsions passagères de la Révolution et que le désordre occasionné par les erreurs des grands hommes au pouvoir. Dans cette historiographie révolutionnée, une nouvelle forme de pouvoir s’esquisse plus diffuse, agissant à des niveaux infra-historiques (celui des mentalités par exemple), qui diminue le rôle des grands hommes politiques dans l’histoire, et qui ouvre les perspectives par-delà les frontières dès lors qu’il est questions de mentalités, de croyances, de valeurs exportables.