Introduction. La transmission alimentaire du virus de l’hépatite E (HEV) est associée, entre autres, à la consommation de produits contenant du foie cru de porc. Lors de l’infection aiguë de l’animal, le HEV est retrouvé majoritairement dans le foie, cependant, il ne peut pas être exclu que lors d’une infection prolongée, le HEV puisse se retrouver dans d’autres organes et le sang. Au cours d’une étude précédente, nous avons observé que la co-infection du HEV avec le virus du syndrome dysgénésique et respiratoire porcin (PRRSV), virus immunomodulateur, prolongeait la durée d’excrétion fécale du HEV et augmentait le risque de présence du HEV au niveau du foie à un temps tardif. Le but de la présente étude était de rechercher le HEV dans le sang et les muscles de porcs co-infectés par le HEV et le PRRSV en conditions expérimentales. Matériel et méthodes. Dix-huit porcelets, exempts d’organismes pathogènes spécifiques (EOPS), de cinq semaines, ont été répartis en 3 groupes. Pour chaque groupe, trois porcs ont été inoculés avec les deux virus HEV et PRRSV alors que les trois autres étaient des animaux contacts. Des échantillons individuels de sang et de fèces ont été prélevés régulièrement pendant 49 jours après inoculation (jpi). À la fin de l’essai, les animaux ont été euthanasiés et des échantillons de foie et de muscles (biceps fémoral, grand psoas et pilier du diaphragme) ont été prélevés. La quantification de l’ARN du HEV a été effectuée sur tous les échantillons en utilisant une RT-PCR quantitative avec une gamme standard. Résultats. Une virémie HEV a été détectée chez tous les animaux inoculés et chez 45 % des porcs contacts, avec des charges virales allant de 1,1.103 à 7,7.104 copies d’ARN/mL. En moyenne, la virémie HEV a débuté à 23,4 jpi [95 % IC 21,2-25,7] et a duré 28,8 jours [95 % IC 18,6-44,8]. L’ARN du HEV a été détecté dans les trois types de muscles testés, avec des charges virales allant de 2,3.103 à 1,1.106 copies d’ARN/g. Chez les porcs inoculés, le nombre de copies d’ARN du HEV dans le sérum est corrélé à celui des fèces à 49 jpi (p < 0,01), alors que chez les porcs contacts, ce nombre est corrélé à celui du foie à 49 dpi. Chez les porcs contacts une association significative est également observée entre les nombres de copies d’ARN HEV dans les muscles et dans le foie ainsi qu’entre les muscles et les fèces (p < 0,05). Conclusion. En conditions expérimentales, une co-infection du porc par les virus HEV et PRRSV entraîne une virémie prolongée du HEV et la présence du virus au niveau des muscles. Cette détection du HEV dans les muscles est surtout corrélée à la présence du HEV dans le foie et les fèces. Certaines pièces de viande étant consommées sans étape de cuisson à cœur (salaisons) ou avec une cuisson limitée, cette voie d’exposition potentielle doit être prise en compte dans une perspective de sécurité alimentaire et de santé publique.