La crise sanitaire de la Covid-19 a bouleversé l’organisation et le fonctionnement des services de santé mentale, impactant les conditions de travail des professionnels qui y exercent. Le projet de recherche Psy- gipo2c a documenté l’expérience de ces professionnels. Une attention particulière a été portée à la manière dont ils ont appréhendé les nouveaux dilemmes éthiques, dans un contexte où il leur était demandé de mettre en application des mesures sanitaires inédites visant à limiter la transmission du sars-c o v -2 tout en assurant une continuité des soins de santé mentale auprès des patients. Le présent article propose de s’intéresser, au travers du prisme d’une anthropologie de l’éthique, à la manière dont ces professionnels ont fait face aux dilemmes éthiques qui se sont manifestés dans de nombreuses situations allant de l’obligation de port du masque à la suppression d’activités thérapeutiques. Les mesures de distanciation physique ont interféré avec les valeurs attribuées aux soins en psychiatrie, dans lesquels le relationnel est central ; la limitation des libertés des patients a contredit les efforts pour stimuler des parcours de rétablissement basés sur l’autonomie et l’inclusion sociale. Face aux dilemmes éthiques, les professionnels, du fait d’un arbitrage différentiel, ont adopté diverses postures, articulées à leur « carrière éthique » et à leur position sociale. Certains professionnels ont souffert des dilemmes éthiques générés par des injonctions contradictoires dans leur vie professionnelle, contribuant à la dégradation de leur propre santé mentale. Ces constats plaident en faveur de la mise en place d’espaces de réflexion éthique qui permettront aux professionnels de santé mentale de se soutenir mutuellement face aux dilemmes qu’ils rencontrent.