Session "Sujet en mouvement, terrain instable" ---------- Selon une approche réflexive, je m’intéresse à l’enquête de terrain et au statut du chercheur en contexte villageois avec pour populations étudiées des migrants internationaux. Cette communication propose un retour sur l’expérience de deux terrains de thèse de géographie (étés 2012 et 2013) menés dans la petite localité espagnole de Cadaqués (env. 3000 habitants), géographiquement isolée, périphérique, dense, au récent passé rural et dont la population locale est composée pour un tiers de migrants internationaux étrangers résidant et travaillant majoritairement dans l’économie locale touristique. J’y ai réalisé une cinquantaine d’entretiens semi-structurés et de l'observation participante selon une approche ethnographique avec différentes communautés immigrées et des habitants locaux. Dans les études migratoires, les relations enquêté-enquêteur et les interrelations entre les populations migrantes et les sociétés réceptrices peuvent varier selon une vaste déclinaison possible de référents identitaires. L’importance du relationnel au quotidien n’est pas fonction d’un contexte donné, cependant ses modalités peuvent être grandement orientées par celui-ci. L’organisation spatiale et la configuration géographique de ce village, en concentrant voire juxtaposant espaces de travail, espaces de résidence et espaces de sociabilisation, jouent précisément un rôle non négligeable dans les relations des populations en présence et dans leurs mécanismes de coexistence : On suppose que la proximité spatiale de concert avec la faiblesse numérique des habitants à l’échelle de ce village mettent plus facilement en lumière des différences sur lesquelles s’opposer lorsque le milieu urbain peut quant à lui être synonyme d’anonymat, d’une moindre visibilité et fréquence de contacts éventuels entre connaissances. La démographie est ici une composante identitaire pertinente en ce sens où elle est constitutive de l’identité collective d’une communauté donnée. L’analyse des discours des interviewés met notamment en lumière comment les identités individuelles et collectives sont créées et (re)négociées au gré de la signification sociale conférée aux actions des uns par les dires des autres qui interprètent et reconstruisent continuellement la vie du village. La question migratoire peut être d’autant plus épineuse lorsqu’elle est abordée selon un registre politisé, en termes d’intégration, d’identité et de relations sociales. Car dans le contexte de petites communautés, le manque local d’anonymat et la rapidité et la facilité de communication sont duels tant ils peuvent être vécus comme des avantages, tant comme des inconvénients par les populations résidentes, les migrants et l’enquêteur ; « l’acceptation » de l’enquêteur et l’établissement de relations de confiance tant avec la société réceptrice qu’avec les communautés immigrées peuvent ainsi se voir complexifiés. Les idées de proximité sociale, culturelle et de communauté spécifiques aux sociétés villageoises ne sont-elles alors paradoxalement qu’une « légende urbaine », une glorification du passé, ou ne sont-elles uniquement réservées qu’à certaines populations? Peut-on observer des formes de cosmopolitisme et de mises à l’écart, des « mondes » se côtoyant en s’ignorant ? Quelles sont les modalités et les degrés d’intégration dans de petites communautés pour des populations migrantes internationales, pour l’enquêteur? Ces éléments renvoient in fine à des problématiques identitaires en partie liées aux caractéristiques environnantes, aux conditions historiques spécifiques et à des processus globaux de transformation sociale dont migratoires qui se développement localement et qui viennent questionner l’organisation sociétale-même du village et m’invitent ainsi à soulever l’hypothèse d’une « géographie exacerbée du relationnel » dans ce contexte villageois. On peut alors s’interroger sur une spécificité du regard géographique et sur la pertinence d’une méthode pour aborder les migrants internationaux vivant dans des espaces similaires de réception. Une telle approche aurait peut-être un certain intérêt à emprunter à la géopolitique.