Session "Accompagnements, adaptations et contournements des dispositifs" ---------- En m’appuyant sur le cas d’étude de Cadaqués, village côtier espagnol, cette intervention entend répondre de plusieurs manières, à certains des questionnements soulevés par le texte d’appel : (1) Connu pour la présence en son temps de Salvador Dalí, Cadaqués est un espace attractif ayant acquis en notoriété, et qui se voit outre la population native, doublement marqué par de fortes mobilités entrantes aux régimes et aux temporalités multiples, et par une diversité de personnes présentant un historique migratoire et dont le point commun est de travailler dans l’industrie touristique locale balnéaire, culturelle et de nature (comme e.g. des artistes peintres, des plongeurs, des aides à domicile, des aides d’hôtel, des serveurs entre autres ; internes et internationaux, de différentes nationalités extra/européennes ; aux présences annuelles et saisonnières). L’étude comparée ici proposée d’existences humaines et de profils divers (migrants, mobiles ou non), entend ainsi apporter des éléments de réponse et se placer dans l’optique transversale à mener pour étudier différentes catégories de populations et une composition sociologique complexe, telle que soutenu par le programme CAMIGRI et ces journées d’étude. (2) Si démographiquement et au regard de sa mise en valeur historique, la définition de Cadaqués en tant que localité l’associe peu ou prou à un village semi-rural, et qu’incidemment son intégration au géotype des campagnes peut être un sujet même de discussion, pour autant force est de constater que les éléments qui seront présentés témoignent du fait que Cadaqués est concerné par des problématiques majeures qui touchent communément les espaces campagnards et ceux non-métropolitains (comme e.g. le manque de diversification des emplois et des débouchés sur place, une limitation des services publics, une population native démographiquement faible et stagnante avec au total moins de 2 800 habitants au 01/01/2018). Ce cas d’étude permet donc d’apporter de la variabilité au sein de l’ensemble des espaces sus-cités et au sujet des dynamiques mobilitaires qui s’y inscrivent. (3) In fine, cette intervention se propose de jouer sur l’idée de « soutien » (volontaire ou indirect) à l’immigration, ainsi qu’avec différentes manières (spatiale, juridico-légale et sociologique) de concevoir (à différents échelons spatiaux) le contenu du terme de « dispositif » qu’éclaire l’interprétation donnée du cas empirique de Cadaqués. L’intervention comportera deux temps majeurs : 1. Je m’attacherai d’abord à présenter le village de Cadaqués, cet espace et son fonctionnement, ainsi que les diverses populations résidentes incluant celles qui sont migrantes et mobiles. Ce faisant, cela sera l’occasion de (1.1) montrer comment en l’absence de mesures concrètes identifiées ayant pour objectif de favoriser la migration, l’économie d’un espace peut toutefois agir tel un « dispositif » local économico-spatial indirect et indéniablement efficace en matière de « soutien » et d’« incitation » aux flux migratoires. Dans le cas de Cadaqués, avec l’insuffisance d’une force de travail locale et le rayonnement culturel qui est officiellement promu, la mise en valeur repose en effet sur l’attractivité même et génère l’arrivée systémique de nouvelles populations exogènes et mobiles. (1.2) Mais si un grand nombre de ces personnes partagent, travaillent et habitent ce même espace, pour autant les conditions matérielles pour s’y installer sont loin de leur être de prime abord égales ; les possibilités sont ethniquement distinguées par une réglementation fixée par l’État espagnol, conditionnant ainsi selon la nationalité, des modalités inégales de venue, de mobilité et de présence légales pour chacun, participant au final à forger l’uniformité de filières – (1.2.1) un dispositif juridico-légal national de régulation migratoire sur lequel on s’arrêtera donc, pour ce qui concerne les nationalités résidentes numériquement prédominantes à Cadaqués, notamment les Boliviens. Cela me permettra finalement d’expliciter (1.2.2) les tenants et les aboutissants d’une expérience de dispositif associatif local de soutien aux migrants, créé à l’initiative d’habitants migrants villageois (l’association l’ARIAC, Association des Résidents Ibéro-Américains de Cadaqués, qui fondée en 2000, n’existe plus à ce jour). 2. Au regard de ces deux derniers points, il semblerait donc que les dispositifs façonnant la migration tels qu’ils sont mis en lumière par le cas cadaquesenc, demeurent a priori relativement cloisonnés à un type de population, selon la nationalité ou par contiguïté de statut et relationnelle (« migrant » versus « non migrant »). Partant, comment imaginer que ces mesures d’aide ou de frein à l’installation ne puissent avoir aucun effet sur la présence des personnes ? Je souhaiterais pourtant dans un second temps à partir de l’exemple cadaquesenc, battre en brèche cette idée selon laquelle les dispositifs ou les initiatives quelconques de la migration pourraient avoir une incidence premièrement déterminante sur le caractère pérenne (ou sur la raison) de la présence de personnes (migrantes) dans un espace considéré. (2.1) Pour ce faire, je suggère de comparer d’égal à égal des situations de vie de personnes non/ migrantes pouvant (désormais) légalement librement circuler ; autrement dit, les personnes choisies parmi l’échantillon global des habitants de Cadaqués, disposent toutes au moment de l’entretien, de la documentation juridico-administrative requise, pour pouvoir en toute légalité quitter et ré-émigrer en Espagne. Ce faisant, c’est indépendamment du statut juridico-légal, et de la nationalité ainsi déconstruite en tant que variable explicative absolue, et indépendamment de tout dispositif migratoire, que (2.2) l’on peut alors mettre en vis-à-vis, ce qui relève du singulier et du partagé pour les divers enquêtés (migrants, mobiles, ou non) au regard de leur qualité de vie dans l’espace habité : (2.2.1) quels sont les aménités et les inconvénients de vivre dans un espace tel que Cadaqués pour ces populations éclectiques ? Et (2.2.2) d’une existence à l’autre, quels sont les invariants et les variables agissant dans les régimes de présence identifiables au village, et dans les diverses histoires personnelles relatées ?