Session "Géographie et séries TV : enjeux épistémologiques et méthodologiques/potentiels didactiques", "Saisir les séries" ---------- La mobilité et la diversité humaines sont des enjeux essentiels dans l’histoire de l’humanité et pour l’avenir des sociétés contemporaines. Comment la fiction s’empare-t-elle de ces questions ? En filigrane de socialités imaginaires, le registre fictif prospectif nous dévoile les problématiques qui animent nos sociétés. Depuis la géographie, et en m’appuyant sur certaines séries télévisées, je propose d’analyser des sociétés fictives aux horizons peu réjouissants. J’entrerai par les prismes de la mobilité et de la diversité, parce qu’elles induisent des enjeux doublement géographiques et politiques, de justices spatiale et sociale : comment l’altérité est-elle construite et la diversité considérée dans ces exemples sociaux fictifs ? À quelles fins la mobilité est-elle instrumentalisée ? Quels sont les rapports de pouvoir sousjacents ? Quelles critiques de nos sociétés réelles sont-elles in fine faites ? Les Utopie, ScienceFiction et Anticipation sociale peuvent avoir une utilité sociale. Pour mener cet argumentaire, je m’appuierai sur les conceptions de l’espace et de la politique de Hannah Arendt. (1) J’expliciterai d’abord comment la mobilité, la diversité et l’espace plus généralement, sont des enjeux et des moyens de pouvoir politique, lequel compose toute forme de socialité. (2) Un second temps fera un arrêt sur définition, des Utopie, ScienceFiction et Anticipation sociale, que je regroupe ici sous la dénomination de la fiction prospective : j’expliciterai dans quelle mesure, en permettant une mise en abîme de notre réalité, l’étude de la fiction prospective peut constituer un élément de recherche et de réflexion sur nos sociétés contemporaines. (3) Un troisième point identifiera les enjeux méthodologiques de l’analyse audiovisuelle depuis une interprétation géographique. (4) À la lumière des horizons politiques possibles décrits par H. Arendt, je proposerai alors dans un quatrième et dernier temps, une analyse filmique des discours sur l’espace et sur les sociétés, produits par les séries télévisées évocatrices choisies pour cette étude, afin de dresser de premiers résultats : il s’agit de poser un jalon des apports de la fiction prospective utiles à la compréhension des enjeux démocratiques actuels liés aux questions de socialité et d’altérité. Selon les formes que prennent la mobilité et la diversité humaines dans ces séries, je présenterai une lecture idéal-typique de modèles sociétaux fictifs en état d’impasse démocratique : démocratiquement à la dérive, ils sont bâtis sur une coercition de la mobilité et de la diversité, sur une absence de leur contrôle, ou encore sur leur cours laissé libre, jusqu’à la démesure. Leur analyse met en exergue nos craintes quant à nos sociétés bien réelles. La fiction est un regard porté sur le monde. En cela, elle constitue un acte éminemment politique. Appréhender les spatialité et socialité humaines et le rapport à autrui, en interrogeant la mobilité et la diversité dans le registre fictif prospectif, permet ainsi d’ouvrir un écart, avec une pensée qui se figure couramment d’une part que l’action politique serait exclusivement de l’État, et d’autre part que la socialité serait essentiellement sociétale. Le registre fictif prospectif, en ramenant les relations humaines et l’espace à leur plus simple appareil, les rendent ce faisant percevables avec acuité. Or, quand on fait véritablement voir les choses, a fortiori au moyen de l’audio-visuel, on réalise que l’équilibre démocratique peut en un soubresaut basculer dans ce que l’on croyait relever de la fiction.