Axe 1 : Vivre (et écrire la vie) avec le vivant ---------- L’Anthropocène peut être considéré comme une période de l’histoire irréversiblement déterminée par les activités humaines et leurs impacts sur le système planétaire, et dont l’étude est solidement emprunte d’une perspective environnementaliste. Incidemment, l’un des défis pour la recherche biographique comme pour toute science humaine, sociale, et cognitive, serait avant tout de pouvoir se revendiquer de contribuer à sa compréhension, là où l’on estimerait que le sujet est chasse gardée des sciences de l’univers et de la nature. Or « penser l’Anthropocène, c’est se méfier du grand récit (…) de la rédemption par la seule science, c’est intégrer les scientifiques dans la cité et discutant pied à pied leur conclusion plutôt que sombrer dans une géocratie de solutions techniques et marchandes pour gérer la Terre entière » (Bonneuil et Fressoz, 2013). La géographie, dont l’espace est fondamentalement le nerf conceptuel, peut constituer l’un des pivots disciplinaires charnières englobant précisément à hauteur d’homme, autant l’homme que la nature et le non-humain. Depuis une posture en géographie, mon argument exploratoire que je souhaite ainsi soumettre à la discussion, en tant que problème méthodologique per se, est le suivant : faire place à l’espace dans la recherche biographique, peut être l’une des voies méthodologiques permettant de d’autant mieux comprendre les représentations et les constructions biographiques individuelles et collectives à l’aune des enjeux d’habitabilité tels qu’ils sont et adviennent dans l’Anthropocène. Autrement dit, il s’agit de s’enquérir de l’importance que revêt l’espace dans la constitution de l’individu (et donc dans les rapports qu’il entretient avec autrui). Et c’est aussi se saisir de la manière dont l’individu témoigne de ce lien intrinsèque à l’espace en tant qu’habitant. Soit, sonder le rôle de l’espace dans le processus de biographisation ‒ d’écriture de vie ‒, et pour ce faire, faire place à l’espace dans la recherche biographique afin d’en rendre compte. Afin de donner des pistes concrètes méthodologiques pour appréhender l’espace dans la biographisation, mais aussi pour le visibiliser, j’expliciterai les outils que j’ai travaillés à cette fin, depuis une approche psychosociale inscrite en géographie : (1) l’habitabilité, comme critère d’échelle de l’habiter (de son optimalité) selon les formes de présences humaines (physique, pensante, actante) qui lui sont associées, et selon la qualité du rapport à l’espace que nourrit l’individu, fonction de sa constitution ontologique et de sa construction territoriale ; (2) l’investissement géographique, comme spectre gradué et variable, imbriquant habitabilité, attachement au lieu, état psycho-émotionnel et (im)mobilité de l’individu ; (3) la bio-géographie, pour saisir la manière dont les expériences et les pratiques de l’espace prennent sens et effet dans les représentations que l’individu reconstruit de son existence ; (4) la bio-géographicité, fonction de la qualité dont témoigne l’individu de sa localité personnelle.