À partir d’un terrain de recherche qualitatif mené en 2022 auprès de divers habitants enquêtés depuis une posture inscrite en géographie psycho-sociale, cette communication analyse les représentations socio-spatiales et les constructions de l’altérité à Sarrola-Carcopino, commune semi-rurale corse qui connaît d’importantes mutations humaines et urbanistiques. J’interroge les perceptions et les réalités des habitants, ceux (auto)identifiés « du » noyau villageois et ceux « en dehors » de celui-ci, ainsi que les différenciations intra-groupes. Les conflictualités des pratiques de l’espace communal et les différenciations d’appartenances au village, dévoilent des manières de cohabiter − enjeux d’évolutions sociétales −, avec ce que l’insularité peut apporter de singulier en matière de foncier, de particularisme, et de diversification liée aux mobilités. Sarrola-Carcopino connaît des évolutions paysagères, économiques et sociodémographiques majeures imputables, outre l’augmentation démographique en Corse, à l’étalement urbain et à la gentrification de la ville limitrophe d’Ajaccio. Si une vaste superficie de la localité demeure qualifiable de rurale, des concentrations industrialo-commerciales et des projets immobiliers tant huppés que sociaux bourgeonnent, divisant la commune selon une démarcation spatiale que matérialise un axe de communication majeur liant Ajaccio à d’autres localités principales : au sud-ouest, se trouve « la plaine » anciennement agricole, artificialisée et densifiée, avec la bétonisation de quartiers en développement, laquelle détonne avec au nord-ouest un paysage patrimonial préservant un aspect végétalisé, enmaquisé et cultivé incluant le village et les hameaux historiques situés en hauteur. Les pratiques et les représentations spatiales des enquêtés donnent corps dans leurs discours à ces deux univers d’existence en même temps qu’ils altérisent leurs habitants ; la dualité communale est exacerbée par de multiples enjeux de justice spatiale, entre espaces du village et de la ville, entre mondes rural et urbain, et entre communautés du village et ensembles sociétaux de la plaine. Un droit à habiter le village est souvent évoqué, lorsque celui de l’accès au logement, au travail et à la modernité est réciproquement mentionné − formulant la problématique suivante : au regard des conflictualités des pratiques et des différenciations des appartenances, comment les représentations spatiales du village et de la ruralité interviennent-elles dans l’altérisation individuelle et sociale des habitants « du » village et de ceux « en dehors » ? Mon approche s’ancre dans une géographie transdisciplinaire psycho-sociale qui cherche à comprendre l’importance de l’espace pour l’individu, pour sa constitution durant son existence et pour ses rapports avec autrui. Le terrain réalisé à Sarrola-Carcopino visait une lecture compréhensive des expériences des habitants, pour saisir les formes d’altérisation et les parcours. Les résultats s’appuient sur des observations, un travail de documentation et photographique, et l’analyse d’entretiens biographiques réalisés avec des habitants de la commune : la vie au / en dehors du village et leurs évolutions ; la participation individuelle et les conflits liés au développement de l’espace co-habité et leurs enjeux ; les valeurs significatives existentielles personnelles et les formes d’attachement sociales entre autres au village. Les entretiens dévoilent que des conflictualités liées aux pratiques de l’espace ne recoupent pas systématiquement des appartenances spatiales ou sociales différenciées. Les altérisations des habitants « du » village et de ceux « en-dehors » se construisent selon de multiples critères s’excluant et/ou s’additionnant, tels que la filiation territoriale, l’ancienneté de la présence, l’étrangéité sous ses divers aspects, la résidence, l’emploi, l’usage des sols, les sociabilités, les valeurs et les idéaux personnels, ou encore la participation au développement local. Les données recueillies interrogent plus généralement les voies d’amélioration de la condition humaine et des environnements, de territoires semi-ruraux insulaires connaissant pareilles mutations.