La pollution de l’air est responsable de plusieurs millions de décès prématurés tous les ans dans le monde. L’OMS estime que neuf personnes sur dix respirent un air pollué. La concentration dans les métropoles de logements, d’activités, d’industries et de transports, qui sont les principaux responsables des polluants rejetés dans l’atmosphère, rend la population urbaine particulièrement exposée aux polluants. En Europe, la plupart des métropoles dépassent toujours régulièrement les seuils réglementaires de concentrations définis par la Commission malgré une amélioration générale de la qualité de l’air. Dans ce contexte, l’évaluation de l’exposition à la pollution de la population urbaine apparaît comme un enjeu essentiel pour la santé humaine. De nombreux travaux en épidémiologie étudient les effets de la qualité de l’air sur celle-ci à court et long termes. Ces travaux considèrent le plus souvent implicitement, par simplification liée aux informations disponibles indiquant uniquement l’adresse de résidence des individus, que la population des villes est constante dans le temps et dans l’espace. Pourtant, ces dernières années, d’autres travaux en épidémiologie remettent en cause la pertinence scientifique du seul lieu de résidence pour évaluer précisément l’exposition à la pollution atmosphérique. Parmi ceux-ci, Perchoux et al. (2013) soulignent l’intérêt de tenir compte des activités individuelles dans l’espace et dans le temps. Ces auteurs mobilisent le travail d’Hägerstrand sur la géographie du temps pour montrer l’intérêt en épidémiologie d’appréhender les multiples environnements atmosphériques fréquentés par les individus pour l’évaluation de l’exposition. En effet, le développement ces dernières décennies de la « mobilité facilitée » (Wiel, 1999), en lien avec la généralisation de l’équipement automobile et de la croissance des infrastructures de transport, fait que le domicile et le quartier de résidence sont de moins en moins souvent les seuls espaces d’activités des individus. Ceux-ci passent une partie de leur journée à distance de plus en plus grande de leur logement pour leur travail, leurs études, leurs loisirs, leurs achats, etc. Dès lors, la prise en compte de la variabilité de la qualité de l’air respiré par les individus sur leurs lieux d’activités et pendant leurs déplacements apparaît de plus en plus essentielle. Par opposition avec l’approche résidentielle, ou statique, l’approche intégrant les espaces d’activités est spatio-temporelle, ou dynamique (Dhondt et al., 2012 ; Steinle et al., 2013). L’objectif de la communication est d’estimer l’exposition à la pollution au NO2 des résidents de la région urbaine de l’Île-de-France un jour moyen de semaine. Son originalité réside dans la prise en compte de la variabilité dans l’espace et dans le temps de la pollution mais aussi des individus. Elle cherche à répondre à la question suivante : la mobilité quotidienne réduit-elle la qualité de l’air respiré par les individus ou, au contraire, l’accroît-elle ? L’estimation de l’exposition individuelle à la pollution atmosphérique repose sur le croisement des données de concentrations de NO2 d’une journée moyenne modélisées par Airparif (Association de surveillance et de contrôle de la qualité de l’air en Île-de-France) et des données de mobilité quotidienne, une journée moyenne ouvrable, issues de l’Enquête Globale Transport 2010 (Île-de-France Mobilités-OMNIL-DRIEA). L’exposition à la pollution de chaque enquêté de l’EGT (n=31 687) est mesurée tout au long de la journée dans chaque espace d’activité (domicile, travail, école, commerce, cinéma, etc.) et pendant chaque déplacement (en voiture, à pied, en bus, etc.). L’évaluation de l’exposition au NO2 dans les espaces d’activités est mesurée par l’appariement, dans un système d’information géographique, des données carroyées de pollution et de mobilité. Les informations sur le niveau des concentrations horaires par carreau et le temps passé dans celui-ci permet de quantifier l’exposition individuelle au polluant sur chaque lieu d’activité. Aussi, l’évaluation de l’exposition au NO2 pendant les déplacements est calculée selon les modes de transport, les horaires, la durée et la géographie des déplacements. Pour mesurer la forte exposition pendant la mobilité automobile, une modélisation est réalisée au préalable pour affecter les déplacements sur les tronçons du réseau routier (modèle MODUS de la DRIEA). L’exposition pendant les déplacements en voiture est alors calculée en fonction du niveau d’exposition sur chaque tronçon emprunté et du temps passé sur le tronçon. Pour les autres modes de transport, une moyenne est calculée selon le niveau de concentration dans le carreau d’origine et dans le carreau de destination. Dans ce travail, le seuil limite d’exposition journalier au NO2 est fixé à 40 µg/m3. Il reprend la valeur annuelle définit par l’Union Européenne, et qui a été intégré dans la réglementation française. La méthode transpose ainsi une valeur à l’année à la journée du fait des données de mobilité uniquement renseignées pour un jour ouvrable moyen de semaine. Les résultats comparent l’exposition à la pollution de l’air selon les approches statique et dynamique. Ils montrent que la mobilité quotidienne tend en moyenne à détériorer la qualité de l’air inhalé au quotidien par les résidents : le niveau d’exposition est plus élevé avec l’approche dynamique qu’avec l’approche statique. Aussi, les résultats définissent les individus pour lesquels l’exposition à la pollution atmosphérique est la plus modifiée, à la hausse comme à la baisse. Les actifs qui sont amenés à fréquenter des environnements atmosphériques très différents de celui de leur résidence dans le cadre de leur travail sont les individus les plus concernés par les changements des niveaux d’exposition mesurés à la résidence ou en activités. Les actifs de la deuxième couronne qui travaillent dans le centre (Paris et communes proches) le jour enquêté ont une exposition beaucoup plus élevée que celle mesurée à leur résidence. A l’inverse, les actifs du centre travaillant en deuxième couronne (moins nombreux) ont une exposition plus faible que celle mesurée à leur résidence. En revanche, les inactifs, notamment les retraités et les personnes au foyer, dont la mobilité plus restreinte dans l’espace ne les amène pas à fréquenter des environnements atmosphériques très différents de celui de leur résidence, ont un niveau d’exposition plus proche de celui mesuré à leur résidence. Par ailleurs, les résultats montrent que passer du temps dans le centre et beaucoup de temps en voiture (dans la partie centrale de la métropole) sont des facteurs explicatifs à la hausse du niveau d’exposition individuel. Plus généralement, les résultats révèlent l’apport pour les travaux en épidémiologie de la prise en compte de la mobilité quotidienne dans l’évaluation de l’exposition à la population.