Le silence des Sorcières. Des criminelles de Détective aux héroïnes de Marguerite Duras
Résumé
La première formulation du silence des sorcières est due à Michelle Perrot qui explique dans son ouvrage pionnier sur l’histoire des femmes : « Le silence est l’ordinaire des femmes. Il convient à leur position seconde et subordonnée. Il sied à leur visage lisse, souriant à peine, non déformé par l’impertinence du rire bruyant et viril. Bouche fermée, lèvres closes, paupières baissées, les femmes ne peuvent que pleurer, laisser les larmes couler comme l’eau d’une inépuisable douleur dont, selon Michelet, elles “ont le sacerdoce ”. » Si tant de femmes ordinaires, par pudeur mais aussi par autodévalorisation, choisissent d’intérioriser le silence qui les enveloppe, une catégorie d’entre elles, connue par leur acte de transgression et leur folie qui pourraient sembler extrêmement improbable, osent briser ce profond silence : ce sont innombrables criminelles que l’hebdomadaire Détective des années 1950 présente qui nous font entendre un cri de douleur.
Des sœurs papins à Simone Deschamps , en passant par Amélie Rabilloud , les criminelles, habituées à être réduites au silence, ne comprennent rien à leur geste et ne sont pas capable de donner les mobiles de leur crime aux assises. Marguerite Duras trouve que « cela rejoint l’acte poétique » et crée des articles journalistiques, des pièces théâtrales et des romans en s’inspirant de ces faits dits atroces ou ignobles. Cette communication, en s’appuyant sur quelques faits divers représentatifs publiés dans Détectives entre 1958 et 1960, cherche à déchiffrer de différentes formes de silence des criminelles pour évaluer dans quelle mesure elles constituent une matrice littéro-journalistique pour la création durassienne.