La compétence peut être appréhendée comme un « concept empirique » dont la définition se construit dans ses usages et sa « mise en actes » ainsi qu’au travers des outils de gestion qui sont utilisés pour l’opérationnaliser. Des entreprises s’emparent de ce « mot-éponge » ou de cet « attracteur étrange », en transforment le sens en se l’appropriant, inventent des pratiques nouvelles. Des organisations professionnelles, singulièrement le MEDEF, tentent d’impulser un mouvement collectif et voient dans la compétence une opportunité de refonder la GRH. L’organisation par le MEDEF (Ex-CNPF) des Journées Internationales de la Formation de Deauville en 1998 participe ainsi de l’émergence d’une véritable doctrine « compétence » qui est certes l’expression de stratégies d’acteurs mais qui exprime aussi l’ambition de jeter les bases d’un nouveau rapport salarial (Reynaud, 2001). Si la légitimité du modèle de la compétence ne semble aujourd’hui plus guère être remise en cause, au-delà d’une certaine tradition de la sociologie critique « à la française », l’ambition de ce modèle se heurte néanmoins au constat, souvent formulé par les praticiens, de l’essoufflement de ces démarches après une phase d’engouement initiale. Cet article invite précisément à une réflexion sur les blocages à l’appropriation des démarches et outils de gestion des compétences, et au-delà, des outils de gestion des ressources humaines. Il interprète ces blocages comme le symptôme des impasses d’une conception « représentationniste » des outils, dominante dans la littérature en sciences de gestion (§ 1). Celle-ci, s’inscrivant dans la continuité du paradigme de la décision, ne permet pas de rendre compte de la richesse du processus d’appropriation, réduit à une simple affaire d’intendance. Le champ du management des compétences nous sert alors de point d’appui pour analyser les limites d’une telle posture « représentationniste ». Nous développons dans une seconde étape notre conception des outils de gestion et du processus de leur appropriation (§ 2). L’appropriation des outils de gestion est ainsi pensée comme articulant simultanément quatre perspectives : instrumentale (un vecteur de rationalisation), socio-politique (un enjeu dans la structuration des rapports sociaux), cognitive (un support d’apprentissage) et symbolique (un vecteur de construction du sens). Nous questionnons alors le rôle du management quant à la façon d’orienter et in fine de piloter le processus d’appropriation des outils de gestion (§ 3). Dépasser les blocages à l’appropriation des démarches et outils de gestion des compétences suppose dès lors d’appréhender le management des compétences comme relevant d’un processus de régulation conjointe tout en restant attentif à la gestion des contreparties à la demande d’implication. Au-delà, il y a sans doute une opportunité de repenser le statut des outils de gestion et leur rôle dans la dynamique de l’action collective.