Julie Rateau-Holbach, Aix Marseille Univ, CNRS, TELEMME, Aix-en-Provence, France. "Les Expositions coloniales marseillaises de 1906 et de 1922 ont établi un modèle scénographique de mise en spectacle des colonies, qui s’illustre notamment par l’élévation de palais et de pavillons pittoresques monumentaux . En revanche, elles se sont inspirées des expositions internationales et universelles pour la mise en scène de l’ « artisanat indigène » qui met l'accent sur la marchandise et privilégie ses aspects économiques et commerciaux . Ces arts passent alors pour être la « devanture de la colonie », et sont soumis à un appareil et un discours colonial et propagandiste qui bouleversent les traditions artisanales et gouvernent tant la pratique que la production des populations autochtones engagées. Dans ce cadre, les reconstitutions des rues d’Hanoï et de Saïgon en 1906, de la « rue Annamite » en 1922, tout comme celles des souks et des « villages noirs » que l’on retrouve dans les deux expositions, ont une finalité à la fois spectaculaire, pédagogique et commerciale. Bien qu’une certaine importance soit accordée à la démonstration des savoir-faire locaux , les artefacts fabriqués durant les quelques mois d’ouverture de ces évènements s’intègrent dans une dimension touristique conduisant leurs achats par des visiteurs amateurs en quête d’un exotisme fabriqué par le regard occidental et orientaliste . Ces productions et ces ventes, sans cesse contrôlées par la figure du colonisateur qui revêt ici le statut de commissaire, vont profondément bouleverser l’esthétique et la fabrication ancestrale au profit d’une nouvelle tradition réinventée qui perdure bien après la période de décolonisation. Cette proposition de communication a tout d’abord pour objectif de présenter la scénographie appliquée à la démonstration des artisanats des sections d’Afrique du Nord et d’identifier certains acteurs/artisans présents à l’occasion des expositions coloniales marseillaises - et parfois récurrents dans l’historiographie des expositions coloniales et/ou internationales - tels que la maison de fabrication de tapis tunisiens d’Eliaou et Judas Boccara mise en scène dans un « gourbi arabe » au centre de la cour de la section tunisienne en 1906 et 1922. L’identification de ces acteurs permettra alors de mettre en exergue les différents types d’« arts arabes » sélectionnés par les commissaires pour élaborer leur vitrine de la Tunisie, de l’Algérie et du Maroc ainsi que leurs réceptions. Une attention particulière sera aussi portée à l’analyse des discours qui catégorisent ces différentes formes d’artisanat et montrent une réelle volonté de réinventer les traditions afin de s’approcher d’une modernité dictée par le goût européen."