Julie Rateau-Holbach, Aix Marseille Univ, CNRS, TELEMME, Aix-en-Provence, France "En 1906 Marseille inaugure sa première Exposition coloniale, organisée par l’homme politique Jules Charles Roux, déjà Commissaire de la section coloniale lors de l’Exposition universelle de 1900. Outre ses activités économiques et commerciales importantes, il a des ambitions plus personnelles qui se manifestent dans sa volonté de défendre l’identité provençale, ses activités de collectionneur, ses multiples rôles dans la sphère artistique locale, et sa pratique de l’écriture. Ses ouvrages intitulés Souvenirs du passé, en sont un exemple capital puisqu’il s’agit d’un ensemble qu’on pourrait qualifier d’encyclopédique, illustré de gravures et de photographies de sa propre collection d’art principalement. Jules-Charles Roux met au service de la Provence ses qualités de collectionneur et de commissaire général de l’Exposition coloniale de 1906 en initiant deux projets d’envergure, typiquement provençaux. D’une part est organisée, dans le Grand Palais de l’Exportation, une rétrospective d’Art provençal qui rassemble plus de 1200 objets d’art divers. Le caractère inédit de cette exposition vient du nombre même d’objets -puisque la Provence n’a jamais organisé d’exposition d’une telle ampleur- et par la provenance de ces artefacts. En effet, certains d’entre eux sont des prêts de structures institutionnelles mais la majorité proviennent de collections particulières et ont été recueillis par Philippe Auquier auprès de 180 collectionneurs, pour la plupart issus des élites locales qui fondent leurs richesses sur des activités commerciales et industrielles. D’autre part est élevé dans le parc d’exposition de 1906 un pavillon purement local, le mas Santo-Estello, qui promeut l’identité provençale par diverses mises en scène ethnographiques d’habitats archétypaux. Cette promotion visuelle des traditions provençales fait écho, à la même période (1904-1909), à la collecte régionale d’objets lancée par Frédéric Mistral en vue de l’ouverture du Musée Arlaten, qui s’organise autour d’une scénographie similaire. La diffusion et la préservation de ce patrimoine artistique et culturel local sont consolidées à l’occasion de l’Exposition coloniale de 1922, par la construction du palais de Marseille et de la Provence, qui rassemble une grande exposition de plus de 250 pièces de mobilier, d’objets d’art et de curiosités provençales, ainsi qu’un espace de mise en contexte ethnographique et domestique. Le catalogue d’exposition de ce pavillon illustre de nouveau la place essentielle des collectionneurs d’objets d’art locaux puisque les objets présentés appartiennent une nouvelle fois à collections particulières."