Cet article aborde la question de savoir si la régulation du numérique par les États africains et les institutions intergouvernementales africaines témoigne d’une autonomie numérique apte à surmonter le « paradoxe de l'État des migrations postcoloniales » (Sadiq et Tsourapas, 2021). Cette notion renvoie à la nécessité pour l'État postcolonial d’asseoir sa souveraineté territoriale en édictant des normes juridiques de nationalité applicables à une population multiethnique et particulièrement mobile. L'utilisation des technologies de la biopolitique à cette fin entraine l'émergence de catégories de ressortissants inégaux quant à l’accès aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales. Cette question de recherche est étudiée à l’aune de la protection des données personnelles des migrants illégaux originaires du Sahel. L'article suggère que le cadre de coopération internationale sur le contrôle des migrations permet à des entités tierces comme l’Union européenne de s'immiscer dans l'élaboration de la politique migratoire nationale des États sahéliens. Ce qui conduit le Sahel à conditionner la protection des données personnelles aux objectifs de contrôle des migrations issus de ce cadre de coopération. Les mécanismes de transfert de données et l'interopérabilité des bases de données à l’échelon régional et international, ainsi que la pénalisation de la migration informelle au Sahel, facilitent le partage de données des personnes renvoyées. Le manque de maîtrise sur les systèmes informatiques mis en place au Sahel à des fins de contrôle de la migration augmente le risque de violation des droits du sujet de données et témoigne d’un manque d’autonomie numérique des États et institutions de la région.