Les modes actifs, et en particulier la marche à pied, diffèrent des autres modes de déplacement par le rapport qu’ils entretiennent à l’espace et aux caractéristiques de l’environnement géographique (Amar et Michaud, 2009). Si de nombreux critères « objectifs » entrent en considération pour comprendre le potentiel d’accès d’un territoire aux modes actifs (configuration de la voirie, présence du mobilier urbain, répartition des aménités, etc.), l’importance du ressenti et de la sensibilité des individus est primordial (Huguenin-Richard, 2018). Favoriser la pratique de ces modes nécessite donc d’évaluer les qualités de cette relation Homme-environnement aussi bien sur le plan de l’aménagement que de la perception que les usagers ont de leurs territoires de vie (Moser et Weiss, 2003). Pour saisir les relations et représentations que chaque individu élabore des lieux et espaces qu’il fréquente, il convient d’adopter une approche plus sensible des territoires et des mobilités. Pour ce faire, la méthode des cartes mentales est particulièrement intéressante à mobiliser. « Pouvant être intégrée à un entretien, cette méthode consiste en la production par l’enquêté d’une représentation graphique » de son territoire de vie et de ses pratiques (Delaville, 2018). En partant d’une feuille blanche, « l’objectif est de recueillir les représentations des enquêtés sur un territoire ni borné ni prédéfini » (Delaville, 2018), mais tel qu’imaginé par les individus. Cette communication, qui se veut une réflexion sur les différents apports et limites de l’intégration des cartes mentales dans les protocoles de recherche, repose sur deux travaux de thèses en cours. Le premier porte sur la pratique de la marche à pied dans les périphéries populaires de la ville de Mexico, notamment sur les formes d’appropriation de l’espace local et sur la production de lien social dans ces marges urbaines. Le terrain étudié est une localité marquée par une urbanisation populaire non planifiée représentative de l’expansion urbaine de l’aire métropolitaine de Mexico. Celle-ci a connue d’importants changements paysagers, culturels et sociaux, qui ont profondément affecté les modes de vie, et les rapports des habitant.e.s à l’espace local. Ce travail s’est appuyé sur plusieurs ateliers d’élaboration de cartes mentales en groupe auxquels ont participé des habitant.e.s. Ces ateliers ont donné lieu à des discussions, et des représentations cartographiques, qui ont largement dépassé l’objet initial, pour aborder de nombreux aspects du rapport au local. Le second exemple est une étude qui a été menée auprès d’habitant.e.s du territoire de Marne-la-vallée pour appréhender la dimension cognitive des pratiques d’accès aux commerces et services, dans le cadre d’une recherche sur le concept d'accessibilité pour renforcer les modes actifs. Le principal territoire d'enquête est situé dans le secteur de la gare RER de Noisy-Champs et du campus universitaire Descartes, dont le réseau viaire est actuellement perturbé par les travaux du Grand Paris. Ce terrain, situé en ville nouvelle, permet d’aborder les résultats d’une planification urbaine où l’accessibilité a toujours été au cœur du développement du territoire. L'enquête qui y a été menée explore le lien entre aménagement et accessibilité à travers la production individuelle de cartes mentales et l'usage de supports cartographiques dans les entretiens. A travers ces deux recherches aux approches et objets d’étude complémentaires, nous souhaitons ainsi montrer l’intérêt des cartes mentales à la fois comme source de données sensibles et comme moyen de communication et d’échange entre enquêteur et enquêté (Joffre, 2022). Néanmoins, il conviendra aussi de souligner les limites de cette méthode qui, par bien des aspects, ne peut se suffire à elle-même et comporte de nombreux biais selon la manière dont les personnes s’approprient les termes de l’exercice, éprouvent des difficultés de représentation ou adaptent leur discours à l’interlocuteur. Références : Amar, G., Michaud, V. (2009). La marche au cœur des mobilités : Etat des connaissances. Cerema (ex-Certu). https://www.cerema.fr/fr/centre-ressources/boutique/marche-au-coeur-mobilites?v=6760 Huguenin-Richard, F. (2018). Cartographie sensible des pratiques piétonnes en lien avec les perceptions de l’environnement. MSFS 2018, Tours, France. https://hal.science/hal-01975791 Moser, G., Weiss, K. (2003). Espaces de vie : Aspects de la relation homme-environnement. Armand Colin, 396 p., Paris. Delaville, D. (2018). Structuration et représentation des espaces d'urbanisation dispersée de la métropole parisienne : une approche par l'offre commerciale et les mobilités. Géographie. Université Panthéon-Sorbonne - Paris I, 2018. Français. ⟨NNT : 2018PA01H012⟩. ⟨tel-02402405⟩ https://theses.hal.science/tel-02402405 Joffre, P. (2022). Mon quartier, moi et les autres. Cartographier pour étudier le rapport à l’altérité. Regards Sociologiques, n°60, pp.65-84. https://www.regards-sociologiques.fr/n60-2022-05*