Pour répondre aux problématiques environnementales actuelles et aux enjeux de santé publique qui y sont associés, des politiques publiques ont été mises en place pour limiter l’usage des modes motorisés et favoriser le recours aux modes actifs. C’est dans ce cadre que le concept de « marchabilité » est reconnu pour évaluer la capacité d’un territoire à susciter la pratique de la marche (DRIEA, 2019). Cette évaluation, telle qu’elle a été formalisée par différents outils de mesure, repose autant sur le ressenti des piétons que sur les caractéristiques de l’environnement bâti. Parmi les variables morphologiques qui permettent de mesurer le potentiel piétonnier d’un espace urbain, l’évaluation du nombre et de la diversité des aménités présentes sur le territoire est primordiale dans la plupart des approches méthodologiques recensées dans la littérature (Koljensic, 2022). Ces indicateurs renvoient au concept plus général d’accessibilité, que l’on peut définir comme la performance d'accès à un certain nombre de ressources depuis chaque lieu (Frankhauser et al., 2018). La valeur de cette performance, pour passer d’un potentiel d’accès à un potentiel de marche, nécessite une proximité physique entre les habitants et les activités. (Koljensic, 2022). Cette association, entre un bouquet d’aménités et des distances ou temps d’accès compatibles avec la pratique de la marche, est aussi utilisée dans le concept de « ville du quart d’heure » pour identifier les territoires de proximité. Les modèles d’évaluations de ce concept reposent majoritairement sur des calculs d’aires de chalandises, sous forme de zones tampons ou d’isochrones. Ces mesures de proximité d’accès demandent donc une réflexion sur les choix des aménités à prendre en compte et des distances jugées raisonnables pour les modes actifs. Cependant, il n’existe pas dans la littérature de définition unanime des types d’équipements, principalement des commerces et services, à considérer dans les évaluations. Si leur sélection repose généralement sur des études scientifiques et des enquêtes pour connaître les besoins de la population, une autre source nous semble pertinente pour comprendre l’organisation spatiale des commerces et son potentiel de structuration de territoires marchables : les documents d’urbanisme. Depuis une vingtaine d’années, les évolutions législatives ont porté la question de l’aménagement commercial vers une intégration toujours plus forte dans le code de l’urbanisme (Giacuzzo et al., 2021). De la loi SRU avec la création du Schéma de Cohérence Territoriale (SCoT) en 2000 jusqu’à la récente loi « climat et résilience » en 2021, les outils de planification de l’armature commerciale se sont progressivement formalisés avec une considération croissante pour un développement territorial durable, favorable à l’accessibilité et aux modes actifs. Pour garantir une organisation équilibrée de l’armature commerciale sur un territoire pluricommunal, les SCoT développent différents critères de hiérarchisation des commerces et des polarités urbaines. Ces critères nous permettront de comparer les stratégies des territoires et des acteurs en matière d’aménagement favorable à la marche à différents niveaux d’échelle. Aux critères liés à la nature des activités commerciales sont associés des conditions de proximité et de localisations préférentielles des centralités et des pôles qui structurent le territoire des SCoT. Ces attributs, liés à l’environnement bâti, conditionnent d’autres indicateurs essentiels à prendre en compte comme les fréquences de recours, distances et temps d’accès aux commerces et services ou l’animation des centralités. Pour chaque type de commerces sont préconisés des modes de transports, selon des environnements urbains et des contextes géographiques particuliers. Il ne s’agit pas, à travers l’étude des SCoT, d’aborder la marchabilité à l’échelle de la voirie et des aménagements locaux mais d’appréhender les ressorts de sa planification à une échelle globale et stratégique, celle des bassins de vie. En effet, aborder le rôle des commerces et services comme générateur de déplacements, notamment actifs, nécessite de comprendre l’organisation hiérarchique de ces équipements sur le territoire et la complémentarité des pôles urbains. Si certaines polarités périphériques favorisent les déplacements motorisés, d’autres centralités concentrent les activités nécessaires à la vie « quotidienne » et orientent davantage les déplacements vers la marche. À travers cette communication, nous souhaitons montrer que l’étude des classifications et des stratégies de planification des commerces telles que définies dans les SCoT permet d’ajuster davantage les mesures de marchabilité aux normes d’aménagement des territoires. Dans la logique d’une identification des zones où le potentiel piétonnier doit être renforcé, il est utile de tenir compte de la dimension performative des documents réglementaires pour projeter une modification du territoire (Buhler, 2021). Enfin, comparer un corpus de documents basés sur un plan, une méthodologie et un processus d’élaboration similaire permet de faire ressortir les différences de contenus, selon les spécificités locales et l’interprétation des acteurs impliqués dans leur réalisation. Bien qu’il faille compléter ces critères de morphologie urbaine par des données plus qualitatives pour aborder la marchabilité dans son entièreté, cette approche par les normes reste néanmoins révélatrice de réalités locales et de l’appropriation par les acteurs de l’aménagement de ces problématiques.