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Chapitre D'ouvrage Année : 2024

La santé, une affaire de médecins?

Résumé

Une technologie de gouvernement des corps par la surveillance et le contrôle est un projet politique qui vise la santé de chacun, mais aussi (et peut-être avant tout) la santé économique de la nation. Les injonctions normatives diffusées en boucle par l’Assurance maladie (Prévenir plutôt que guérir ; Maîtriser son mode de vie de façon personnalisée ; Assumer ses responsabilités de santé) entraînent une suggestion quasi-hypnotique dont on attend des effets performatifs sur les conduites des gens, et partant, une plus grande efficience du système de santé. Ces perspectives, qui relèvent du politique et de l’art de gouverner, semblent consonner avec la visée de la pratique médicale, mais est-ce vraiment le cas ? Les médecins, détenteurs d’un savoir sur les maladies qui leur confère un pouvoir thérapeutique, doivent-ils endosser le rôle de promoteurs de la santé ? La capacité d’éloigner le moment de s’avouer mortel justifie-t-elle d’imposer des normes impersonnelles de « comportements sains » ? Le spectre de Knock hante nos esprits. A contrario, prétendre se borner au traitement des pathologies (et non de la santé) est-il justifiable, légitime, seulement possible ? Vouloir traiter la maladie ne suppose-t-il pas de disposer de normes de santé ? La fiction utilitariste qui stipule que l’ensemble des activités humaines poursuit la maximisation de son utilité propre n’est-elle pas valide ? Faut-il alors envisager des officiers de santé à côté des thérapeutes, après avoir pris acte qu’ils n’exercent pas tout à fait le même métier ? Ou bien plutôt abandonner la définition tyrannique que l’OMS a donné de la santé (état de complet bien-être physique, mental et social, pas seulement l’absence de maladie ou d'infirmité) qui entraîne la médecine à s’adonner aux tâches réglementées de dépistage, de contrôle et de surveillance au-delà de la réponse à la demande de soins? Pour Canguilhem, la santé est un « concept vulgaire » et aussi une « question philosophique » : nous le prendrons pour guide afin d’esquisser une réponse à ce questionnement. Avant d’en risquer une interprétation, j’aimerais attirer l’attention sur le fait suivant : dans les traités de médecine qui comblent les rayonnages de nos bibliothèques, les détails abondent sur les différentes formes et variantes des maladies, mais la question de la santé n’y est presque jamais abordée, comme si ce n’était pas vraiment l’affaire des médecins. Ce questionnement peut sembler très surprenant ! La santé du patient n’est-elle pas, en effet, la priorité du médecin, comme nous le rappelle le serment médical de l'Association médicale mondiale ? « En tant que membre de la profession médicale, (…) la santé et le bien-être de mon patient seront ma priorité ». Sa première version date de 1948, une période cruciale pour nos réflexions, comme on le verra plus loin. Il existe toutefois d’autres façons d’aborder la problématique qui nous occupe.

Domaines

Philosophie
Fichier non déposé

Dates et versions

hal-04454038 , version 1 (12-02-2024)

Identifiants

  • HAL Id : hal-04454038 , version 1

Citer

Jean-Christophe Weber. La santé, une affaire de médecins?. Médecine et santé, un lien évident?, Eurocos Humanisme et santé, pp.67-78, 2024, 978-2-9586250-1-6. ⟨hal-04454038⟩
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