Les notions de travail et d'espace sont, dans le langage courant, implicitement imbriquées. Ne serait-ce que d'un point de vue lexical, en utilisant les expressions « aller au travail », voire « aller au bureau », nous faisons du lieu de l'activité un espace symbolique. Mêlant contenant et contenu, l'activité de travail est associée au lieu « bureau », terme désignant lui-même un espace individuel au sein d'un tout (locaux de l'employeur). Cette association entre le « travail » et un lieu précis provient de la révolution industrielle : l'ouvrier allait « au travail » en se rendant physiquement à l'usine. Depuis les années 1980, la possibilité de travailler « à distance » émerge progressivement, d'abord via le fax ou le téléphone, puis grâce aux outils numériques, et, récemment, aux plateformes collaboratives. La pandémie de Covid-19 en 2020 a accéléré la tendance de fond, puisqu'une grande partie de la population active s'est mise à travailler à distance. Le « travail » peut être lui-même considéré comme un espace, ce qui explique que les travailleurs à distance aient parfois besoin de percevoir et concevoir « leur » espace de travail (en mettant des chaussures à la maison, en faisant le tour du quartier pour « faire le trajet »). Si une partie de la littérature s'entend sur le caractère immatériel du travail à distance, le corps du travailleur s'inscrit nécessairement dans un espace physique, quel qu'il soit. Dès lors, comment (re)créer des espaces de travail à distance ? La question de recherche qui anime ce chapitre interroge les expériences de travail à distance.