POINT DE VUE Une idée de la « Fraternité » Jérémy Sauvage Liberté ? Pas évident. Égalité ? En droit, à la naissance. Et encore, pas pour tout le monde et n'importe où. Depuis la nuit des temps, il semble falloir devoir se battre peu ou prou pour défendre la Liberté et l'Égalité des êtres humains. Mais qu'en est-il de la Fraternité ? Restons au niveau de la République telle qu'elle est pensée en France, lorsque le terme Fraternité a été adjoint aux deux autres pendant la Révolution de 1848 puis dans la devise de la II e République le 27 février de cette même année. Pour les deux premières valeurs, force est de constater qu'il faut généralement se battre à plusieurs niveaux (intellectuels ou physiques) pour les faire respecter. Être libre, vivre libre, semble nécessiter beaucoup de volonté, d'énergie et parfois de sacrifices, comme en témoignent les différentes révoltes ou révolutions à travers l'Histoire. L'Égalité semble plutôt être un but à atteindre, un idéal, une utopie que l'on vise mais que l'on sait irréaliste à l'échelle de l'humanité. Même le Communisme comme régime politique a échoué en essayant d'imposer une égalité parfaite entre tous les membres d'une société régie par son idéologie. Mais la Fraternité ? Elle ne coûte pas grand-chose, sinon rien. Il ne s'agit donc pas d'une question (socio-)économique. La Fraternité ne se décrète pas par volonté politique, elle ne peut pas être promulguée par une loi. Edgar Morin (2019) 1 prend le temps d'expliquer que l'enjeu principal d'une réflexion sur Liberté et Égalité est celui de l'articulation : comment faire vivre l'Égalité sans imposer sans renier sur la Liberté ? Se pose alors la question de la combinaison des trois termes, comme devise symbolique de la République ; et donc de ce qu'on peut faire de cette Fraternité qui ne peut émerger que des Humains. Une interprétation possible serait que la Fraternité est une voie possible pour permettre l'existence des deux autres valeurs républicaines. C'est parce que je me conduis « en fraternité » avec autrui que je contribue à la mise en place d'une liberté et d'une égalité entre autrui et moi. Ainsi, au niveau individuel, je peux décider de me comporter dans l'espace social de manière fraternelle : par ma volonté, j'essaie de prêter une attention certaine qui peut se manifester sous la forme d'une attitude bienveillante par exemple. Au niveau collectif, je peux décider de m'engager dans un groupe social (un groupement humain, une association, un mouvement…) ayant notamment pour objectif la pratique ou le but de la Fraternité. Il peut ainsi s'agir d'un acte politique, militant, philosophique dont la finalité est