Cette communication analyse différentes représentations, notamment graphiques, des luttes anticoloniales au sein de matériels didactiques produits et diffusés en GuinéeBissau après l’Indépendance du pays, au terme d’une guerre de Libération menée par le Parti Africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC), de 1963 à 1974. À partir de l’arrivée au Ministère de l’Éducation de Mário Cabral, ancien coordinateur des centres d’instruction des « zones libérées » pendant la guerre, ces supports pédagogiques militants furent développés dans le cadre de projets d’éducation populaire et d’alphabétisation pour adultes engagés en faveur de la construction d’un État indépendant. Cette période de la présidence de Luís Cabral, qui prit fin en 1980 avec l’arrivée au pouvoir du général João Bernardo Vieira, dit « Nino », vit fleurir un ensemble d’initiatives vouées à constituer un sentiment d’appartenance nationale et à condamner les diverses formes, physiques, culturelles, symboliques et éducatives, de la violence du passé colonial. Dans une perspective d’histoire culturelle, d’histoire de l’éducation et des représentations mémorielles, il s’agit d’analyser divers supports pédagogiques développés sous la houlette du Ministère et portés par un ensemble d’enseignant(e)s, de pédagogues, de militant(e)s bissau-guinéen(ne)s et cap-verdien(ne)s, mais également issu(e)s de la gauche internationale, qui convergèrent au tournant des années 1970 dans ce petit pays d’Afrique sub-saharienne rendu célèbre par Amílcar Cabral. Au carrefour de plusieurs moments historiographiques – celui des décolonisations dans les Pays africains de langue officielle portugaise et de la chute de la dictature salazariste, mais également celui des exils latino-américains, de l’essor du Tiers-mondisme et de la théologie de la Libération, les documents permettent d’interroger la diversité de significations de ces représentations des luttes contre le colonialisme portugais. En effet, si les carnets, manuels, diapositives et bandes dessinées éducatives analysé(e)s servirent à forger une identité nationale combative dans le contexte de construction d’un nouvel Etat bissauguinéen, il s’agissait également pour de nombreuses et nombreux militant(e)s ayant notamment fui le régime militaire brésilien (1964-1985), de conférer un sens nouveau à leur exil contraint en resignifiant leurs engagements. Les sources sollicitées, issues de recherche de terrain en Guinée-Bissau, au Brésil, au Portugal et en France, permettront de réfléchir à cet entrecroisement des enjeux inhérents à la mise en récits d’un passé de luttes, à partir de l’Indépendance de la Guinée-Bissau et jusqu’au tournant des années 1980.