Le bildungsroman, aussi connu comme roman d’apprentissage ou de formation, juxtapose une structure narrative avec le processus de maturation du héros. Il s’agit en effet d’un genre littéraire qui met en récit l’entrée dans l’âge adulte du jeune protagoniste, en outre, son passage de l’adolescence à la majorité. Depuis son origine à la fin du dix-huitième siècle, le thème du bildungsroman se répand et est approprié aux différentes cultures ou conjugué avec de nouvelles problématiques qui surviennent au fil des siècles jusqu’à nos jours. Suite aux nombreux mouvements politiques et socio-culturels pour la reconnaissance des diverses communautés LGBT des dernières décessnies, il est donc peu surprenant de trouver ce thème également dans certains romans gays et lesbiennes contemporains. Ces romans, surtout les récits de coming out mettant en récit une révélation d’une sexualité non-normative, mobilisent le genre du bildungsroman dans leurs représentations. Dans une société hétéronormative, les bildungsromane impliquant des personnages homosexuels et lesbiennes dépeignent le processus de leur intégration sociale cherchant à ce que leurs identités sexuelles soient reconnues et acceptées. Ils racontent alors le passage d’une identité sexuelle à l’autre du protagoniste : de l’hétérosexualité imposée par les normes sociales à l’homosexualité. Alors que ce schéma narratif s’applique convenablement aux récits gays et lesbiennes, il s’avère plus problématique dans son application aux récits bisexuels à cause des caractéristiques propres à la bisexualité : son désir sexuel ambivalent et sa perspective binaire. En effet, la bisexualité englobe simultanément les désirs homosexuels et hétérosexuels. Contrairement donc aux récits gays et lesbiennes, le passage de l’hétérosexualité à l’homosexualité peine à s’accomplir dans les récits bisexuels et se présente comme une impasse plutôt qu’un passage. En analysant deux romans contemporains dépeignant deux jeunes protagonistes à tendance bisexuelle – Call me by your name d’André Aciman et Un garçon comme une autre de Joël Breurec –, nous allons essayer de trouver par quels moyens la bisexualité peut sortir de l’impasse du désir bisexuel ambivalent dans un schéma narratif qui l’oblige à choisir uniquement un sexe comme objet sexuel pour accomplir le passage dans l’âge adulte.