L’emprise de cette opération de diagnostic est située dans la partie sud de l’agglomération lilloise, en bordure du Boulevard de Strasbourg et entre les places Barthélémy Dorez (station de métro Porte des Postes) et Jacques Février (station de Porte d’Arras). Elle est bordée au sud par la rocade autoroutière de l’A25 (boulevard périphérique de Lille). Ce diagnostic a été prescrit dans le cadre d’un projet de construction de la nouvelle cité administrative de Lille « Barnum des Postes », suite à la présomption de présence vestiges de la dernière fortification urbaine de Lille, construite juste après l’agrandissement de Lille en 1858. Mené pendant 15 jours en septembre 2020, il a été encadré par un protocole d’intervention sur site pollué (impact en métaux et concentration de composés organiques), nécessitant le port d’EPI spécifiques. Si la surface prescrite de l’emprise totalisait 26444m2, diverses contraintes (réseaux, intervention sur la seule emprise constructible, perturbations d’une ancienne barre d’immeuble) l’on réduite à environ 6500m2. Dans la moitié occidentale de l’emprise constructible, une seule longue tranchée a pu être implantée sur une longueur de 185 mètres. Elle a donné l’occasion d’observer, sous les remblais récents, un substrat limoneux relativement bien conservé, de même qu’un horizon de labour directement antérieur à 1861(construction du bastion n°233) et une série de fossés de parcellaire et/ou de drainage des 17e-18e siècles. La découverte de deux fosses-dépotoirs avec mobilier céramique confirme également la présence d’un habitat du Bronze final. L’état assez exceptionnel du sous-sol dans ce secteur urbain peut être expliqué par l’installation du bastion n°233 associé à la dernière fortification bastionnée de Lille. Ce bastion, bordant à l’est la Porte des Postes, s’étendait sur une longueur de plus de 240 mètres pour une largeur supérieure à 80 mètres. L’emprise du diagnostic n’en couvre qu’une partie ; la face du bastion ayant été recoupée par l’autoroute A25. De la plateforme talutée du bastion, détruit dans les années 1930, n’a été retrouvée que la semelle du talus constituée des déblais (limons et craie) issus du creusement du fossé défensif. Son flanc oriental a cependant pu être étudié par l’ouverture d’une vaste fenêtre, mettant en évidence un état de conservation inattendu, sous près de 3,50 mètres de remblais récents. La découverte la plus significative concerne 3 casemates de la coursière de fusillade courant à mi-hauteur de l’escarpe du flanc oriental du bastion (d’une hauteur à l’origine de 10 mètres). L’une d’elle, de 5 x 4,10 mètres, a été entièrement dégagée. Suite à l’arasement de sa voute vers 1930, sa hauteur interne conservée est en moyenne d’1,95 mètre. Toutes les maçonneries sont construites en briques liées au mortier de chaux. Le mur formant l’escarpe est percé de deux embrasures de créneaux de fusillade (« meurtrières ») à plongée oblique (pour fusils). Le mur de fond est de plan convexe, afin de supporter la charge du substrat limoneux et crayeux dans lequel ont été installés les casemates. Deux passages voutés ouverts dans les piédroits marquent la coursière de liaison entre les casemates. Le sol de la casemate, taillé dans la craie blanche est aménagé en terre battue. Deux autres casemates, repérées de part et d’autre de la première, n’ont pas été dégagées. Selon toute probabilité, 7 casemates similaires devaient ainsi protéger le flanc du bastion. L’angle entre ce flanc et la courtine reliant les bastions 233 et 234 a été partiellement étudié. Dans ce dernier s’inscrit une salle faisant jonction entre la coursière de fusillade du flanc du bastion et celle courant le long des casemates de la courtine (au nombre probable d’une trentaine). Le report des plans des années 1860-1870 et des derniers relevés effectués en 1925 permet d’envisager la présence dans l’emprise du futur projet d’une bonne partie du flanc est du bastion 233, de la totalité de la longueur de l’escarpe de la courtine et de l’amorce du bastion n°234. Il est probable que l’ensemble des vestiges soit conservé sur près de 6 mètres de hauteur depuis le fond du fossé défensif. Pour rappel, c’est à la suite du projet d’agrandissement de la ville de Lille, approuvé par décret impérial de Napoléon III en 1858, que les anciennes communes rurales d’Esquermes, de Wazemmes et de Moulins-Lille seront annexées sur une surface de plus de 600 hectares. En 1860 débutent les travaux de construction de la dernière enceinte bastionnée de la ville, lui conférant cette forme triangulaire caractéristique. Reliant le sud des ouvrages de Vauban (Fort Saint-Sauveur) à la Citadelle, la nouvelle fortification s’étendait sur plus de 6 kilomètres et était percée de 7 portes (de Dunkerque, de Canteleu, de Béthune, des Postes, d’Arras, de Douai et de Valenciennes). À peine achevée, vers 1877, cette fortification est déjà quasi obsolète en raison des progrès de l’artillerie (utilisation de l’explosif mélinite, de l’obus-torpille et du canon rayé). Ces derniers mènerons à la construction, entre 1879 et 1891, de la ceinture des forts et des ouvrages bétonnés de la place-forte de Lille (système Séré de Rivières). Menacée de démantèlement dès la fin du 19e siècle, elle sera entièrement détruite entre 1925 et 1936. À ce jour, les vestiges découverts sur le site du Barnum des Postes apparaissent donc comme les mieux conservés de cette fortification éphémère et mal connue, dont seul le tracé des boulevards extérieurs (de Lorraine, de la Moselle, de Strasbourg, d’Alsace et de Belfort...) et des noms de stations de la ligne 2 du métro (porte des Postes, de Douai, d’Arras) en rappellent le souvenir lointain.