¬¬¬Bien des écrits ont été consacrés aux māhū et raerae de Tahiti, des personnes nées-garçons mais voulant vivre en fille, qualifiées de « troisième » sexe, « transgenres », « hommes féminins », etc. Puis cette littérature a inclus leurs homologues des îles Samoa, les fa‘afāfine, et d’autres ailleurs en Polynésie, en continuant d’amasser des préjugés et en voulant tout expliquer par leur « homosexualité ». Il faut dire que cette prétendue explication a commencé dès les premiers visiteurs à Tahiti, au XVIIIe siècle, même si les mots étaient autres, puis elle est devenue une illusion occidentale enracinée. A l’inverse, on n’a guère mentionné une autre catégorie de transgenre, qu’on peut appeler « les femmes masculines », restées longtemps invisibles et, aujourd’hui, volontairement ignorées : « il ne faut pas en parler ! », disent les autres au visiteur. Après avoir déconstruit le mythe occidental de la sexualité de la femme polynésienne (voir dans cette collection Tahiti 1768 : jeunes filles en pleurs), l’auteur nous confronte à ce mythe de l’homosexualité qui véhicule une même assimilation forcée à des catégories étrangères. Il nous conduit dans une relecture au plus près de la littérature ancienne et récente sur Tahiti et sur Hawaï, mais aussi sur le terrain des îles Samoa pour apercevoir quelques moments de l’adolescence de ces personnes. La révision critique de tout le dossier tahitien et d’une partie du dossier hawaïen, ainsi que les données recueillies à Samoa permettent de replacer les transgenres dans le tissu des relations sociales, loin de la vue réductrice qui ne voyait en eux qu’une « orientation sexuelle » bien connue. Ces données permettent aussi, pour la première fois, de faire une place aux femmes masculines.