Alors que le soulèvement syrien s'est transformé en guerre civile, l'espoir des premiers mois de 2011 s'est progressivement dissous et a ouvert la voie à la résurgence de la peur, un sentiment que la politique de terreur du clan des Assad avait instillé dans la majeure partie de la société syrienne depuis cinquante ans. La peur et la paranoïa sont également au cœur du roman de Dīmah Wannūs, al-Ḫāʾifūn (Les effrayés, 2017). Le livre explore les retombées psychologiques de la vie sous la dictature dans la Syrie post-révolutionnaire à travers la romance intime entre deux patients d'un thérapeute damascène, une intrigue qui s'entrelace avec les histoires des membres de leur famille, d'autres personnages mineurs et quelques souvenirs autobiographiques de Wannūs elle-même. S'appuyant sur une critique textuelle approfondie et une analyse socio-historique, cet article intervient à la fois dans le domaine de l'anthropologie politique syrienne, en soulignant comment la répression de la révolution a réveillé des souvenirs traumatiques refoulés au sein de la population, générant de nouvelles formes d'anxiété et de détresse, et dans le domaine des études sur le traumatisme, en remettant en question leur approche eurocentrique et en les enrichissant de certains points de vue issus d'une expérience non européenne. Ce faisant, la Syrie contemporaine, telle que racontée dans le roman de Wannūs, apparaît comme un laboratoire pour comprendre le mécanisme psychologique qui, dans les régimes autoritaires, permet à la détresse d'émerger finalement comme le lien national ultime entre les victimes et les auteurs.