« Garder son sang-froid et attendre que vienne l’heure de se débarrasser de ces provocateurs » écrivait Goebbels dans son journal au soir du 21 mars 1937, après la lecture dans toutes les églises catholiques d’Allemagne de Mit brennender Sorge. L’encyclique du pape Pie XI alertait les fidèles du non-respect du concordat par les autorités du Reich, et déclarait l’incompatibilité entre le nazisme et la foi chrétienne. Cette prise de parole pontificale, préparée avec le secrétaire d’État Pacelli et les évêques allemands, oscillait entre un anti-modernisme traditionnel et un antitotalitarisme récent pour soutenir la résistance en faveur des catholiques allemands, mais sans s’opposer pour autant à l’antisémitisme. Les archives vaticanes pour la période des années 1930 avaient déjà permis d’affiner notre compréhension de ce texte, de ses origines, du contexte de sa production, ainsi que de sa réception immédiate. Les archives Pie XII apportent des compléments, avec la mise au jour de nouveaux dossiers. Cet article examine ainsi à nouveaux frais le sens et la portée de cette encyclique. Il retrace le passage de la conciliation de 1933 à cette protestation de 1937 puis au silence de Pie XII. Il étudie la dimension de résistance spirituelle du document, mais en relève aussi les limites. Qu'ont retenu par ailleurs les témoins de l'époque, et quels effets a-t-il pu produire sur la politique du Troisième Reich ? Les fonds Pie XII permettent en particulier de s’interroger sur la postérité de cette encyclique, sur le sens que l’on en retient à la fin de la guerre, et sur les usages qui en sont fait. Ce qui amène à réfléchir sur la construction mémorielle interne à l’institution ecclésiastique une fois la guerre achevée.