Depuis la fin des années 2010 des conflits éclatent un peu partout en France, avec comme revendication commune la défense des terres agricoles contre leur accaparement par l’urbanisation, le déploiement de zones commerciales ou d’activités, d’infrastructures d’aménagement. Cette communication présente les premiers résultats d’une recherche sociologique en cours qui analyse trois conflits dans le sud de la France. Au sein de l’aire métropolitaine d’Aix-Marseille, les espaces ruraux sont soumis à des logiques foncières contradictoires. Valorisées, y compris au sein des politiques régionales et de la Métropole, dans leurs fonctions environnementales, climatiques, ou de sécurité alimentaire, les terres agricoles sont pourtant dans les faits, soumises à une très forte pression économique qui a pour conséquence leur urbanisation et artificialisation et la croissance du nombre de friches spéculatives. Dans la région, ces phénomènes se propagent aujourd’hui sur des terres à forte valeur agronomique, à savoir celles des plaines irriguées ou irrigables. Les projets d’urbanisation et d’aménagement qui se multiplient dans ces espaces renforcent la difficulté d’accéder au foncier pour les agriculteurs. Nos terrains concernent trois sites caractéristiques de cette dynamique : le projet de Zone d’aménagement concerté (ZAC) sur des terres et friches agricoles sur lesquelles une ZAD (dite Zone à Patates) s’est installée en novembre 2019 avant d’être évacuée en août 2022 ; le projet d’une usine de méthanisation et d’entrepôts logistiques en plaine de la Crau, où perdure une production locale de foin de Crau ; enfin la construction sur des terres alluviales exploitées à Cavaillon, d’une ZAC destinée aux entreprises de « valorisation écologique des productions agricoles ». Nous analyserons ces conflits comme l’expression de rapports sociaux émergents au sein des espaces ruraux, se structurant autour de la définition de la valeur des terres agricoles. De « réserves foncières » supports au développement économique des territoires, le foncier agricole est ici réapproprié et requalifié à travers la valeur environnementale et nourricière de la terre. Ces mobilisations portent avec elles des projets alternatifs de développement qui passent par l’occupation des lieux, à l’instar du mouvement des ZAD, mais surtout avec la remise en culture de terres délaissées ou en friches, elles défendent une agriculture locale et paysanne comme un contre-modèle au mode de développement urbain dominant. Portées par des collectifs regroupant des agriculteurs, des associations de défense de l’environnement, des élus et des riverains, ces mobilisations cherchent à faire reconnaitre l’importance du maintien et de la préservation d’une activité agricole locale pour répondre aux enjeux de préservation de la biodiversité et d’adaptation au changement climatique mais aussi de la capacité d’adaptation locale à ses effets. Ces mobilisations font face aujourd’hui à la mise en œuvre de politiques locales, régionales d’aménagement, qui tout en prônant une préservation du foncier agricole, soutiennent pourtant aussi des dynamiques sociales et économiques contradictoires. Il s’agira pour nous d’analyser enfin la portée politique de ces mobilisations. Comment parviennent-elles à faire valoir leurs revendications au sein des espaces régionaux de décision ? En quoi ces résistances locales peuvent-elles être porteuses d’un renouvellement des modes d’engagement citoyen qui se construisent dans une politisation du rapport à l’espace rural par la valorisation environnementale de l’activité agricole ?