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Article Dans Une Revue Plurielles. Revue culturelle et politique pour un judaïsme humaniste et laïque Année : 2012

De Révolution en Révélation : impasse Benny Lévy

Philippe Zard
Izio Rosenman
  • Fonction : Directeur de publication

Résumé

La pensée de Benny Lévy est un néo-fondamentalisme, fondé sur le postulat d’une antinomie radicale entre « Athènes et Jérusalem », dont je commence par rappeler les différentes formulations, et sur le rejet de toute institution humaine qui ne serait pas arrimée à une parole transcendante. Son fondamentalisme va de pair avec un procès sans nuance de l’idéal universaliste et émancipateur et une conception ethnocentrique de l’élection, qui l’a amené à se démarquer, dans ses dernières années, de l’héritage d’Emmanuel Levinas. Ce choix du « retour » à la version ultra-orthodoxie du judaïsme a pour conséquence le discrédit de la culture profane – le seul usage légitime de celle-ci consistant somme toute à paver la voie, par la démonstration de son incomplétude, à la Révélation plénière. Moyennant quoi, mon analyse du discours de Benny Lévy, l’opposition entre « le Livre et les livres » (toujours suspects de constituer des “divertissements idolâtriques”) trouve aisément à s’intégrer dans mes études sur le fanatisme même si la « biblioclastie » du penseur demeure heureusement toute symbolique. Ce fondamentalisme-là est fondé sur la mythologie d’un judaïsme « pur » ou « authentique », soustrait à l’histoire – ce que, ne reculant devant aucun mauvais goût, j’ai appelé la « recherche du point J » : « Le judaïsme selon Benny Lévy est un effort pour se libérer de tout ce qui n’est pas juif en soi ; “le Juif [...] doit écarter de lui ce qui est non-juif pour produire précisément le reste, juif”. Peut-on dire ce qu’a de spirituellement désastreux et de philosophiquement scabreux ce projet d’expulsion de l’étranger en soi ? Il fait de la “pensée du Retour” une expérience mortifère, par laquelle le sujet juif se retrouverait à traquer anxieusement ce qui lui vient d’ailleurs, à se décontaminer sans relâche ». L’être juif défini par Benny Lévy demeure « immobile », immuable, arrimé à une lettre et un livre divins confondus avec ce qu’il appelle la Science. Ce judaïsme disciplinaire peut passer pour le contraire de celui que j’explore, dans sa diversité phénoménale, dans mon essai sur les judéités marranes ou apocryphes. Mais, par sa radicalité en quelque sorte archétypale, il constitue un revers instructif de mon projet. Un « judaïsme à col Mao », qui a gardé la violence structurelle de la Gauche prolétarienne, qui se revendique explicitement d’une haine de la culture, et se choisit des mythes électifs à l’avenant (celui d’Abraham briseur d’idoles plutôt que celui du patriarche hospitalier) n’en est pas moins lui-même un exemple passionnant d’hybridation entre l’ancien et le nouveau.

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Philosophie
Fichier non déposé

Dates et versions

hal-04368327 , version 1 (31-12-2023)

Identifiants

  • HAL Id : hal-04368327 , version 1

Citer

Philippe Zard, Izio Rosenman. De Révolution en Révélation : impasse Benny Lévy. Plurielles. Revue culturelle et politique pour un judaïsme humaniste et laïque, 2012, 17, pp.39-49. ⟨hal-04368327⟩
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