En Europe tempérée, l’essor du phénomène urbain se révèle plus tardif que dans le monde méditerranéen et répond à des dynamiques différentes. Les oppida, qui se développent à partir de la fin du IIe s. a.C., ont longtemps été considérées comme les premières villes d’Europe tempérée. Or, ces dernières décennies, cette idée est remise en question par la multiplication des opérations archéologiques. On caractérise désormais l’existence de dynamiques urbaines antérieures. Il s’agit d’agglomérations ouvertes (sans fortification massive) qui, pour certaines, éclosent d’un bout à l’autre de l’Europe près de 200 ans avant les oppida. Le projet RAPSODIE (appel à projets ESR 2019, Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine) s’intéresse particulièrement aux plus anciens de ces sites, occupés dès le IIIe s. a.C. et dont peu sont documentés en Europe. Ces premières villes constituent des objets d’études prioritaires pour cerner l’évolution des sociétés celtiques européennes. Elles concentrent en effet plusieurs innovations majeures : 1- l’essor urbain avec un accroissement démographique sans précédent, une grande superficie d’habitat, une organisation rationalisée de l’espace (places publiques, sanctuaires, quartiers spécialisés, voierie, etc.) ; 2- une production artisanale quasi-industrielle ; 3- d’intenses activités commerciales et économiques marquées par la première apparition de la monnaie dans les échanges courants. Paradoxalement, ces agglomérations ouvertes précoces demeurent largement méconnues et peu explorées. En raison de la concentration significative de ces sites précoces dans le Sud-Ouest de la France, ce secteur constitue une zone-clé pour étudier la genèse du fait urbain en Europe tempérée. En effet, nous avons caractériser cinq sites qui présentent une phase d’occupation semblant remonter au IIIe s. a.C. (la chronologie est caractérisée par le mobilier recueilli en fouilles ou lors de prospection). Ainsi, cinq sites pouvant s’accorder à ce profil sont explorés dans le cadre du projet RAPSODIE : Lacoste, Eysses, Le Mas-d’Agenais, Eymet et La Peyrouse. Les différents procédés employés dans le cadre du projet RAPSODIE (prospections géophysiques, études paléo-environnementales, prospections pédestres, fouilles archéologiques, LiDAR, SIG, etc.) visent à aboutir à une compréhension renouvelée des sites et de leur environnement. Ce programme répond à cinq objectifs principaux : 1- Préciser l’étendue des sites et déterminer s’ils présentent une délimitation matérialisée ; 2- Percevoir des éléments d’organisation interne ; 3- Appréhender le contexte topographique et l’environnement des agglomérations étudiées ; 4- Initier une démarche comparative pour analyser les connexions entre ces sites et les facteurs ayant favorisé leur apparition ; 5- Planifier les opérations archéologiques et confronter l’ensemble des interprétations aux données stratigraphiques issues de fouilles.Le présent article se centre autour des premiers résultats issus des sites de La Peyrouse et de Blis, tous deux situés dans le département de la Dordogne. Bien que les explorations sur ces deux sites n’en soient qu’à leurs débuts, il s’agit de montrer comment les approches intégrées, par le croisement des méthodes, permettent de mieux préciser la nature de ces sites.