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Chapitre D'ouvrage Année : 2022

Les chansons de Trenet ou la possibilité d’une comédie musicale

Résumé

Les chansons de Trenet ou la possibilité d'une comédie musicale « Hirsute, écarlate, l'oeil large ouvert et couleur de bille, le chapeau mou, à la renverse, formant une auréole 1 », Charles Trenet semble jouer dans un dessin animé. Cocteau en 1955 avait d'ailleurs figuré en quelques traits un personnage ailé, tout en mouvements, canotier vissé sur la tête et regard dans les étoiles. Quand on passe la porte de sa maison narbonnaise, devenue musée, ce sont désormais les dessins de Cabu qui nous appellent avec malice à déambuler et qui redonnent du mouvement à ce lieu figé dans le temps. Et si l'on prend un peu de recul au sortir de l'avenue qui porte son nom, c'est son buste émergeant des étangstelle une Vénus naissant des eaux-qui sur une fresque monumentale enchante la ville d'un air tout à la fois poétique et ludique. Partout, il demeure de Trenet un esprit fantasque et fantaisiste qui non seulement s'appréhende par la vue mais qui continue aussi de « chante[r] soirs et matins » : sa voix, ses mélodies et ses textes enchantent de nombreux spectacles qui contribuent à entretenir ce fantôme à la fois figuratif et musical ; des concerts dessinés 2 se jouent çà et là, rappelant que Trenet était un personnage musical, une sorte de clown sautillant, faisant faire des « boum » à tout ce qu'il évoquait ; le travail de Jérôme Savary dans Y'a d'la joie !… et d'lamour 3 met en oeuvre un répertoire de chansons menées tambour battant, joué par de véritables personnages de bandes dessinées qui cabotinent. À l'instar du Fantôme de la Tour Eiffel qu'il a si bien chanté, il semble qu'il reste de Trenet une figure picturale et musicale, un « curieux personnag[e] / Vivan[t] ou mor[t] ou comme te[l], / Qui s'exprim[ait] (…) dans son propre langage / Pour transformer la Tour en celle de Babel 4 ». Trenet est ainsi une figure constamment en jeu, et qui a le pouvoir d'animer comme dans un pop-up tout ce qu'il se met à chanter, faisant du langage musical un acte figuratif, et inversement. On peut comprendre par conséquent à quel point le travail textuel et musical procède chez lui d'une imaginationau sens propre de mise en images-dont la voix est au coeur du processus, que tout fonctionne comme une fantaisie corporelle et organique qui extrapole le texte, et que tout n'est qu'un jeu baroque savamment mené. C'est en cela qu'on ne saurait qualifier autrement les chansons de Trenet comme de potentiels moments de comédie musicale. Quand on parle de « comédie musicale », entendons-nous sur le genre dont il est question : née aux États-Unis en 1866 5 , la comédie musicale arrive en France dans les années 1920, se joue à l'instar de l'opérette, et perdure jusque dans les années 1960 sous le nom d'opérette légère. Le répertoire de Trenet procède de ce fond culturel. Dès 1933, le duo Charles et Johnny emprunte au swing de Gershwin, qu'il se réapproprie 6. Trenet est aussi marqué par les genres du caf'conc et surtout du music-hall dont il retient la verve théâtrale, les nuances de Pathos et de tragique dans des chansons réalistes qui masquent un comique troupier parfois graveleux, signe de l'euphorie retrouvée dans l'entre-deux-guerres. Mais c'est vers une autre acception du terme « comédie musicale » que l'on se dirigera dans la mesure où la possibilité d'une comédie musicale réside ici dans la fantaisie (la comédie en somme) vectorisée par la musique et dans une posture théâtralisante, dont la voix et le corps (qui témoignent
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Citer

Bernard Jeannot-Guerin. Les chansons de Trenet ou la possibilité d’une comédie musicale. Presses Universitaires de Provence. Charles Trenet. Que reste-t-il de ses beaux jours ?, 2022, Chants Sons, 9791032003299. ⟨hal-04349861⟩
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