La vieille voix de Villon ou la voie vers la juste expression
Résumé
Aussi jeune soit-il, lorsqu’il rédige le Lais et le Testament et certaines de ses Poésies diverses, François Villon prend souvent le masque du « vieil usé roquart ». Il en fait un usage rhétorique et idéologique, cela a été démontré ; toutefois, nous aimerions ici envisager cette « vieille voix » villonnienne comme la recherche de tout poète : celle de la voix juste, qui déjoue la déception d’un langage jamais adéquat au vécu, une voix qui coïncide enfin avec l’intériorité. Villon, l’« escollier » à la voix trop juvénile, parvient, dans le temps de l’appropriation de la voix de la vieillesse, à réduire l’inadéquation rimbaldienne entre « Moi » et « Je ». Plus encore, il essaye d’y trouver un principe d’identité, que le nom même de Villon, le vieil « hon » (homme), prend en charge : le sentiment de marginalité que le poète ressasse dans ses œuvres trouve un mode d’expression renouvelé dans la voix et la figure du vieillard puisque ce dernier est, au Moyen Âge, rejeté hors du monde, mis en marge. Mais simultanément, il s’agit pour le poète d’accueillir en lui la parole des mourants, de se laisser traverser par la vulnérabilité de la vieillesse : le jeune Villon, devenu vieux en vertu des pouvoirs de la langue, peut rendre sensible ce qui est inexprimable par le discours rationnel, à savoir l’expérience de sa condition d’homme, l’expérience de la finitude, tout en essayant de la maîtriser par sa confiance dans les mots, et qui lui confèreront, peut-être, l’immortalité.