Cette communication s’appuie sur des travaux menés dans le cadre d’une recherche collective en cours portant sur les stratégies de labellisation patrimoniale (« Villes et Pays d’Art et d’Histoire », « Plus Beaux Villages de France », « Plus Beaux Détours de France » et « Petites Cités de Caractère ») en région Centre-Val de Loire. Ces labels ont déjà fait l’objet de plusieurs recherches, notamment dans le domaine du droit, des sciences de gestion ou de l’économie territoriale, principalement pour en interroger la portée juridique (Tanchoux, 2020) ou bien les effets attendus ou réels dans la promotion des destinations touristiques (Rochette et al., 2019). La proposition se concentre sur l’un de ces labels : les Plus Beaux Détours de France (PBDF). Nous montrerons comment se construit un réseau national de valorisation du patrimoine local, avec ses objectifs, ses attentes et ses imaginaires patrimoniaux. Les PBDF sont des communes labellisées, rassemblées au sein d’un réseau du même nom créé en 1998. L’objectif du label est de faire découvrir des petites villes (de 2 000 à 20 000 habitants) en incitant les touristes à sortir des sentiers battus. En mobilisant les apports de l’école de la proximité (Rallet, 2002 ; Bouba-Olga et al., 2008) qui distingue différents types de proximités (géographique, relationnelle, organisationnelle et institutionnelle, [Pecqueur, 2018]), la communication montre que la proximité sociale a clairement joué dans la naissance du label, par entremêlement de différents réseaux et expériences professionnels. Par la suite, nous assistons à ce que Michel Grossetti appelle un désencastrement des relations personnelles et professionnelles (Grossetti et al., 2018), au profit de la stabilisation d’un réseau fondé sur des normes ou des valeurs portées par le cahier des charges de la labellisation, l’audit régulier des villes labellisées, ainsi que la participation aux temps forts de l’animation du réseau. PBDF joue alors le rôle d’espace de mise en commun des outils de promotion, de partage d’expériences à l’occasion des journées techniques et de visite sur le terrain, mais aussi d’émulation et de professionnalisation des élu.es impliqué.es dans les villes labellisées. Cependant, par rapport à d’autres labels de valorisation patrimoniale ou des itinéraires patrimonialisés (comme la route 66), les PBDF se distinguent justement par le fait que ces petites villes labellisées ne constituent pas nécessairement un itinéraire touristique : la valorisation de l’entre-deux n’existe pas ou peu. Elles sont pensées comme des villes-étapes sur des parcours qui les dépassent, le trait d’union étant moins une histoire ou des référents culturels communs, que l’assurance d’une expérience touristique à la fois singulière et similaire, et la reconnaissance par les autres membres du réseau de l’effort déployé pour valoriser le patrimoine local et bien accueillir les visiteurs. On peut alors s’interroger sur les valeurs, les imaginaires touristiques mobilisés par le réseau. Contrairement à d’autres labels patrimoniaux qui insistent plutôt sur le patrimoine monumental ou survalorisent une approche esthétisante du traitement du paysage urbain et des espaces publics (Gigot, 2018), ou à d’autres types de routes culturelles qui « unissent des biens homogènes », les PBDF mettent plutôt en avant la qualité de l’accueil, la France « buissonnière », et le patrimoine immatériel (le plus souvent associé à la gastronomie et l’artisanat local). Les PBDF assument explicitement la référence au Tour de France cycliste, mais sans le Tour, alors même que le réseau fait appel à l’imaginaire de la route. Les itinéraires sont plutôt ici pensés « à la carte », au gré des trajets des visiteurs et des touristes, en s’appuyant notamment sur le guide Michelin comme outil de composition de ces itinéraires personnalisés.