Cette publication examine la migration non seulement géographique mais aussi disciplinaire du concept de self : il a circulé depuis l’Europe jusqu’aux États-Unis et a basculé de la philosophie vers la sociologie, en transitant par la psychologie sociale. D’abord analysé par David Hume dans les livres I et II du Traité de la nature humaine et par Adam Smith dans La théorie des sentiments moraux, il constitue la pièce motrice de leur compréhension sociale de l’esprit humain : le soi se construit dans les interactions sociales. Cette notion caractéristique des Lumières écossaises a ensuite nourri les développements sociologiques de l’École de Chicago, notamment ceux d’Erving Goffman. Cet infatigable analyste des miettes de la vie quotidienne n’a cessé d’affirmer tout au long de son œuvre la nature sociale des rencontres entre les individus. Entre le self des Lumières écossaises et celui de l’École de Chicago n’existe-t-il qu’une simple homonymie ou des affinités plus profondes ?