A partir de ma propre expérience de jeune chercheuse, cette communication se propose de réfléchir à la construction d’une posture de chercheur. Entre engagement et injonction à la neutralité, comment la confrontation entre nos dispositions individuelles, notre formation à la recherche et la réalité vécue du terrain peut-elle participer à nourrir le positionnement en recherche ? La question de l’engagement ne se pose pas d’emblée quand le terrain et l’objet d’étude ne sont pas le résultat d’un choix délibéré. Recrutée sur un contrat doctoral dont le sujet avait été établi en partie pour répondre aux besoins d’un modèle émergent de formation professionnelle initiale, l’entrée sur le terrain ne répondait ni à un acte militant, ni à une démarche d’intervention à proprement parler. L’objet « formation professionnelle », bien que peu étudié au regard de la quantité de travaux dévolue sur l’enseignement général, ne constitue pas un objet d’étude controversé. La posture du « dévoilement » semblait la seule possible et m’a interrogée longtemps sur la possibilité de participer du « sens social des sciences sociales » (Fassin, 2001). Le manque de considération pour la formation professionnelle initiale, la méconnaissance que manifestent beaucoup des étudiants ou de chercheurs en sciences de l’éducation rencontrés, ont nourri une forme de sympathie pour mes terrains d’enquête. Cette sympathie, additionnée à une propension à remettre en cause toute « hiérarchie de crédibilité » au sens de Becker (2013) via des entretiens avec des publics dominés au sein de l’institution (élèves, apprentis, personnel d’entretien en établissement scolaire …), m’a interrogé sur le parti pris du chercheur et les conséquences sur les résultats de l’enquête. Manier le soupçon sociologique ne me paraissait pas suffisant et le terrain révélait peu à peu, au travers de ses acteurs, toutes ses contradictions, ses forces et ses limites. L’usage de la théorie des conventions révélait les difficultés à s’opposer à une forme scolaire peu adapté au public, mais aussi les stratégies de contournement mises en place (David, 2021). Mais de l’autre côté, le terrain et tout particulièrement les jeunes de CAP, dévoilaient les limites de l’approche par les conventions et du postulat que tout acteur peut se positionner dans une convention (Dodier, 2005) et s’affirmer comme un élément du jeu social. Dans ce questionnement, qui par essence tend à positionner le chercheur au cœur de cette réflexion, y compris quand il est proposé de se décentrer de l‘objet pour s’intéresser au choix des sujets enquêtés (Callon, 1999), c’est finalement le rôle du terrain lui-même qui émerge ici. Bibliographie : Becker, H. (2013). De quel côté sommes-nous ? (traduit par F. Hernandez). Dans D. Fassin, La question morale, 475-489. PUF. Callon, M. (1999). Ni intellectuel engagé, ni intellectuel dégagé : la double stratégie de l’attachement et du détachement. Sociologie du travail, 41 (1). DOI: https://doi.org/10.4000/sdt.37417 David, P. (2021). La formation professionnelle peut-elle s’émanciper de la forme scolaire [Thèse de doctorat, Nantes université]. https://www.theses.fr/2021NANT2025 Dodier, N. (2005). L'espace et le mouvement du sens critique. Annales. Histoire, Sciences Sociales, 60, 7-31. https://www.cairn.info/revue--2005-1-page-7.htm. Fassin, D. (2001). Les sciences sociales comme pratique engagée. Natures Sciences Sociétés, 9(4), 43-46.