À partir de questions transversales liées à la représentation de la crise écologique et de l'espace de la forêt dans les arts de la scène et les arts plastiques, nous interrogerons la place, les formes et les effets de l'empathie dans l’art lorsque celui-ci prend pour objet la destruction des poumons de la planète. Au-delà des oppositions binaires (distance vs frontalité, neutralité vs manipulation, etc.), nous interrogeons, dans le contexte du réchauffement climatique, la création d'écarts critiques en regard des effets de proximité affective qu'implique l'empathie, et proposons de réfléchir aux modalités d'une empathie en arborescence en proposant une intervention-performance au croisement de la recherche et de la création. En tant qu’artiste, Elsa Ayache présente son travail sur les mégafeux en Amérique, Australie et Europe (textes et série de dessins à l’encre sur papier parfois brûlé, 2018-2021). Ces créations offrent le matériau d’une réflexion et d'une expérience sensibles, au fondement d’un questionnement sur le fragile et le vulnérable, envisagés comme éléments fondamentaux de la relation empathique à l’Autre. Dans un mouvement allant du spectaculaire à l’intime, et du collectif à l’individuel, son travail ouvre un espace d’autorisation qui invite le spectateur à se reconnaître en l’Autre dans un environnement commun, vital et menacé - la forêt - tout en cheminant vers sa propre singularité et liberté de ressentir. Du côté du théâtre, Solange Ayache fait dialoguer ce travail exploratoire avec une création récente de la scène contemporaine en Angleterre. Dans The Encounter (2015), Simon McBurney et son Théâtre de Complicité mettent en scène l‘histoire vraie de la rencontre entre un reporter du National Geographic et la tribu des Mayorunas au cœur de la forêt amazonienne. La pièce sollicite l’empathie des spectateurs pour faire communauté autour de la convergence des crises (humaine, morale, environnementale, économique). Le travail sur les voix et les images (recours à la vidéo et à la technologie binaurale) permet de réfléchir à la manière dont une empathie collective est mobilisée pour nous inviter à ressentir, dans l’ici et maintenant de la représentation, et à (ré)agir, dans l’après-coup du spectacle, à l'invisibilisation de la catastrophe dans les médias. Dans un dialogue entre arts plastiques et études théâtrales, cette intervention à deux voix hybride, « sympoïétique », pose également la question de la place, des formes et des effets de l’empathie comme levier d’une méthodologie de recherche et de création dans le champ des humanités environnementales et des care studies.