Aux sources du test de Rorschach : introduction historique aux psychoscopes
Résumé
Le « test d’interprétation libre de formes fortuites » conçu par Hermann Rorschach est la forme la plus célèbre de l’utilisation des taches d’encre dans l’investigation psychologique. Les sources d’inspiration de ce test sont multiples. Les plus évidentes sont l’influence de ses collègues psychiatres Carl Gustav Jung (test d’association de mots), Herbert Silberer (lécanomancie) et Szymon Hens (taches d’encre et fonction imaginative). Néanmoins, d’autres sources sont identifiables dans les pratiques mantiques qui, depuis l’Antiquité, stimulent les automatismes sensoriels et moteurs. Ces pratiques ont fait l’objet de réappropriations au cours du xix e siècle, dans le cadre de la première psychiatrie dynamique, jusqu’à ce que, dans la voie établie par l’Anglais Frederic Myers et ses études de l’écriture automatique et de la vision dans le cristal, le « psychoscope » (terme désignant tout dispositif qui permet l’émergence des automatismes moteurs ou sensoriels) soit proposé comme instrument essentiel de la psychologie expérimentale. Nous proposons une histoire à rebours identifiant ces possibles influences pour Rorschach lors de l’élaboration de son matériel et du système d’interprétation de son test. L’opposition épistémologique entre adeptes du « psychoscope » et du « chrono-scope » semblent se rejouer dans les controverses contemporaines sur l’évaluation des propriétés psychométriques des tests projectifs.