L’ouverture prévue du musée du Louvre en 2012, précédée de quelques mois de l’inscription du bassin minier comme patrimoine mondial de l’Unesco, ont été le déclencheur d’un renouvellement de l’intérêt médiatique et scientifique pour ce territoire. En prise à des représentations négatives persistantes, le bassin minier a été mis sur les rails d’une trajectoire de renouveau territorial assez classique, en suivant de grands modèles comme de requalification par la culture comme Bilbao (flagship), Glasgow (Capitale Européenne de la Culture) ou l’Emscher Park (patrimonialisation). La configuration culturelle territoriale (Sibertin-Blanc, Lima, 2016) montre la prégnance du paradigme de la ville créative dans les politiques locales et un positionnement stratégique aujourd’hui assez banal entre mémoire et projet pour reprendre le couple proposé par Edith Fagnoni (Fagnoni, 2013). Pourtant, à plus grande échelle, il est possible de déceler une grande diversité dans les choix de reconversion opérés et, surtout, dans la manière dont l’ambiance des lieux a été plus ou moins modifiée et les effets sur les pratiques et représentations habitantes. En considérant les lieux comme des systèmes sémiques évolutifs, c’est surtout une approche sensible et narrative de l’espace que nous souhaitons valoriser dans cette proposition. Nous concentrerons notre analyse sur les sites du 11/19 à Loos-en-Gohelle (Culture Commune), fosse 9 de Lens (Louvre), 9/9 bis à Oignies (Métaphone) et la fosse Arenberg de Wallers (creative mine) qui ont été étudiés à la faveur d’une recherche doctorale en géographie. A partir du concept de resémantisation (Reitel, 2010), soit le changement de forme, de fonction et d’ambiance des lieux, mis en tension avec les territorialités habitantes, nous souhaitons interroger comment les industries culturelles et créatives (musée, théâtre, scène de musique actuelle, cluster), l’événementialisation et la patrimonialisation de sites miniers ont affecté de manière multidimensionnelle les vécus, perceptions et imaginaires géographiques des habitants. Ce concept a l’avantage de lier efficacement matériel et idéel et de permettre une lecture fine d’une transformation plus ou moins radicale des lieux à partir du sensible et d’une mise en récit des lieux et du territoire. Nous verrons également comment le couple révérence/irrévérence à une authenticité des sites se superposent et se répondent en fonction de leur occupation culturelle et créative.