Dans le cas du Louvre Lens, l' « effet Bilbao » a cristallisé de nombreux espoirs localement et chaque anniversaire du musée invite au bilan si l’on en croit les titres de presse nationale et locale. Aussi, le projet du Louvre Lens s’inscrit également dans la généalogie des équipements culturels conçus pour participer au renouveau du territoire qui les accueillent. Ces deux rôles bien différents, à la fois social et économique, que doit remplir le musée peuvent-ils être compatibles ? La volonté de faire un musée, à la fois pour la population locale et pour attirer des visiteurs internationaux, à la fois instrument de démocratisation culturelle et pierre angulaire de politiques de l’image pour le territoire, donne déjà des indices sur son incapacité à satisfaire toutes les attentes. À partir d’un travail de thèse achevé en 2019 , la présente contribution propose de questionner les capacités du musée à s’adresser à tous les publics. J’ai souhaité ici m’appuyer sur la « triplicité de l’espace » mise au point par Henri Lefebvre qui distingue espace conçu, perçu et vécu (Lefebvre, 2000 [1974]). La grille d’analyse proposée par Lefebvre permet de mettre en relation les lieux tels qu’ils ont été dessinés par les aménageurs (espace conçu), les pratiques spatiales des habitants (espace vécu) et enfin les représentations comprenant les discours et les imaginaires (espace perçu). Cette manière d’envisager l’espace comme support de représentations différentes selon les acteurs auxquels on s’intéresse permet de mettre à jour des décalages et peut-être des tensions lorsque ces différentes représentations entrent en collision.