Cet article défend que la compréhension de la portée des transformations liées aux enjeux sanitaires et environnementaux contemporains exige d’élaborer une pensée de la nature qui ne réduise pas l’Autre a-historique de la société, mais qui prenne au contraire en compte ses potentialités autonomes d’évolution, de changement, de créativité, de devenir et de bouleversement. Il importe ainsi de reconnaître que l’homme n’est pas, seul, acteur de « son futur » : il convient de placer à ce point de jonction flou, mobile et essentiellement impur sur le plan de la démarche constructiviste, où la construction sociale du « sens » se confronte à l’activité propre du monde qui nous entoure et nous impose aussi sa propre orientation, ses propres dynamiques, ses forces autonomes de devenirs, et ses futurs « plus qu’humains ». Loin de ramener le futur dans les catégories d’une construction discursive proprement humaine, à l’instar d’une longue tradition de pensée anthropocentrée qui infuse encore largement la sociologie aujourd’hui, il s’agit de travailler les cadres d’une pensée du futur comme réalité autonome, force extérieure qui s’impose à nous. Il s’agit de substituer à l’idée de « l’avenir de l’homme » une pensée capable de reconnaître que les futurs sont toujours, pour reprendre l’expression maintenant fameuse de Sarah Whatmore, des futurs « plus qu’humains 1 » : leur compréhension exige de rouvrir l’approche de la temporalité sociale à tout un monde d’êtres non-humains et de mécanismes qui en ont généralement été exclus, afin de pointer la manière dont eux aussi contribuent à impulser du futur en nous embarquant dans les trajectoires d’un sort partagé.